À quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle française, faut-il craindre des résultats faussés par une attaque informatique venue de l’étranger pour favoriser tel ou tel candidat, ou au contraire nuire à l’un d’entre eux ? Cette perspective tout à fait inquiétante pour le bon fonctionnement de la démocratie est prise très sérieux à Paris, surtout depuis les incidents qui ont émaillé la campagne électorale américaine.
Mais pour Guillaume Poupard, directeur général de l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), il n’y a pas de raison de s’alarmer outre mesure. Si des menaces planent effectivement sur le scrutin, des mesures ont été prises tout au long de ces derniers mois pour éviter un scénario à l’américaine. Ou en tout cas en réduire la portée et la probabilité.
« Le réseau propre du ministère de l’intérieur va être robuste pour être capable de travailler », a-t-il confié jeudi 20 avril au micro de France Inter. « On a fait un travail de qualité, je pense, de manière à résister à ces nouvelles menaces » qui pourraient fausser la sincérité du vote. Tous les maillons de la chaîne informatique servant au processus ont ainsi été renforcés lorsque cela s’est avéré nécessaire.
« Tous les réseaux informatiques qui vont notamment collecter les résultats, qui vont les additionner, pour au final donner dimanche soir les premières tendances puis les résultats définitifs, ces réseaux ont été durcis là où il le fallait », a insisté M. Poupard. Et d’ajouter « [qu’on s’est] assuré que les autres réseaux informatiques qui vont être impliqués dans l’élection seront bien opérationnels le jour de l’élection ».
Tous les réseaux informatiques ont été durcis là où il le fallait
Pour des raisons évidentes de diplomatie, Guillaume Poupard s’est refusé à donner le nom des pays depuis lesquels pourraient venir d’éventuelles attaques informatiques, en rappelant de toute façon qu’il est parfois très difficile de déterminer la localisation exacte de l’agresseur. Le patron de l’Anssi a ainsi rappelé qu’un opération peut tout à fait venir d’un pays allié qui se fait passer pour une autre nation.
Aujourd’hui, tous les regards sont braqués en direction de la Russie. Fin janvier, les services de l’Union européenne indiquaient que Moscou vise les scrutins en Europe, mais surtout à travers des actions de désinformation sur les politiques menées par les gouvernements en place, afin de faire monter la défiance à l’égard de la classe politique et le populisme, de façon à favoriser les partis eurosceptiques.
Que la Russie joue ou non un rôle de déstabilisation, « il [fallait] impérativement tout faire pour éviter que ça ne se produise en France », pointe Guillaume Poupard. D’où l’intérêt de prévenir les différents candidats, en plus d’un renforcement des réseaux. En octobre, une réunion à l’initiative de l’Anssi a eu lieu avec les principales formations politiques pour les sensibiliser au problème.
Signe de l’importance de l’élection présidentielle dans le système politique français, les risques de déstabilisation sur le scrutin ont conduit le président de la République à tenir deux conseils de défense et de sécurité nationale, tandis que le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle ont été sensibilités à leur tour.
Assurer la fiabilité du scrutin
Plusieurs ministres, de Jean-Yves Le Drian (défense) à Jean-Jacques Urvoas (Justice), en passant par Jean-Marc Ayrault (Affaires étrangères), sont également montés au créneau, parfois en adoptant un ton très offensif. Ainsi, le chef de la diplomatie française a déclaré que la France est prête à riposter en cas d’ingérence pendant la présidentielle, de façon à dissuader les éventuels trouble-fêtes.
Il n’en demeure pas moins que certaines dispositions ont dû être abandonnées en cours de route. C’est le cas par exemple du vote par Internet pour les Français de l’étranger votant aux législatives (ce scrutin surviendra peu après la présidentielle), au motif que des raisons de sécurité empêchent d’assurer la fiabilité du vote à distance. Tant pis pour les exigences constitutionnelles comme l’accessibilité pour les citoyens vivant à l’étranger.
Cette décision, nul doute que John Sawers, l’ex-patron des services secrets britanniques, l’applaudirait. En début d’année, il déclarait qu’en matière électorale, mieux vaut s’en tenir aux méthodes traditionnelles — c’est-à-dire un papier, un crayon, une enveloppe et une urne transparente — plutôt que s’en remettre aux machines à voter ou au vote par Internet, des options certes pratiques mais incertaines et peu dignes de confiance.
À ce sujet, le vote en France se fait principalement de cette façon. Il y a très peu de machines à voter. En 2012, on dénombrait 64 communes de plus de 3 500 habitants dans cette situation, ce qui concerne plus de 1,5 million d’électeurs. Or, il y a un moratoire depuis 2007 qui bloque toute nouvelle installation de machine à voter. S’il doit y avoir une attaque, ce n’est vraisemblablement pas par ce canal-là qu’il viendra.
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