Il faut parfois choisir entre la protection de sa vie privée et la protection de sa liberté de communication. L’agence de presse indienne IANS rapporte que le nombre d’abonnés mobiles ne cesse de baisser de mois en mois an Bangladesh, depuis la promulgation d’un règlement qui impose aux propriétaires de cartes SIM de confirmer leur identité par comparaison de leur empreinte digitale.
En décembre 2015, lorsque le système de ré-enregistrement des cartes SIM par empreinte digitale a été promulgué, le Bangladesh comptait encore 133,72 millions d’abonnés à des services de téléphonie mobile, et l’année s’était conclue sur une croissance de 13,37 millions d’abonnés supplémentaires. Mais selon les chiffres publiés pour le mois d’août 2016, le pays compterait désormais moins de 120 millions de cartes SIM actives.
La chute a réellement commencé après le 31 mai 2016, puisque le gouvernement avait accordé aux opérateurs un délai de mise en application du règlement, avant qu’ils n’aient l’obligation de collecter l’empreinte digitale de leurs clients. Mais elle se confirme depuis de mois en mois.
Peu soucieux de la protection de la liberté d’expression et de communication, le Bengladesh avait aussi décidé en novembre 2015 de bloquer l’accès aux principaux réseaux sociaux et messageries. à la suite de suite l’exécution de deux figures de l’opposition condamnées en 2013 pour génocide et crime de guerre pendant la guerre d’indépendance en 1971.
Une pratique dénoncée au niveau de l’ONU
Le Bangladesh n’est pas le premier pays à exiger l’empreinte digitale des porteurs de cartes SIM. C’est aussi le cas aux Émirats Arabes Unis, où la comparaison automatisée avec les bases de l’État doit être faite tous les ans. Les utilisateurs doivent se présenter physiquement chez leur opérateur télécom pour faire scanner leur empreinte digitale, qui est comparée à la base Emirates ID. Il est probable que la solution du Bangladesh soit similaire, puisque le pays dispose également d’une carte d’identité électronique et biométrique, du genre de celles refusées en France par le Conseil constitutionnel.
la capacité de surveiller des individus et des journalistes bien au delà de l’intérêt légitime d’un gouvernement
L’an dernier, Le Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection de la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye, a demandé que les États garantissent le droit d’utiliser des outils de communication électronique anonymement. « Les gouvernements exigent souvent des enregistrements de cartes SIM » avec l’identité réelle, alors que « de telles politiques minent l’anonymat, particulièrement pour ceux qui accèdent à internet uniquement à travers la technologie mobile ». Or il est des pays où dire ce que l’on pense sans risquer la prison ou la vie repose sur l’anonymat. « L’enregistrement obligatoire de la carte SIM pourrait fournir aux gouvernements la capacité de surveiller des individus et des journalistes bien au delà de l’intérêt légitime d’un gouvernement », avait condamné M. Kaye.
En France, le code des postes et communications électronique impose aux opérateurs de « conserver » toutes les informations « permettant d’identifier l’utilisateur », ce qui est souvent compris comme une obligation implicite de s’assurer de l’identité réelle d’un client avant de l’autoriser à se connecter à un réseau de télécommunications. Cette interprétation est discutée, mais elle est sans doute renforcée par une décision récente de la CJUE, qui a interdit de fait de fournir un accès anonyme par Wi-Fi, estimant que la possibilité d’identification pouvait être d’un intérêt supérieur au droit à l’anonymat, en l’espèce pour faire respecter le droit de propriété intellectuelle.
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