Facebook va-t-il un jour enfin accepter que le corps de la femme n’est pas un objet sexuel, et qu’il ne faut pas le traiter comme s’il était normal pour des internautes de le considérer comme une chose à cacher ? Le réseau social a un grand rôle à jouer dans l’acceptation de la nudité, qui n’est que la présentation brute de la réalité des corps, mais Facebook fait tout depuis des années pour entretenir le rapport malsain que l’on entretient avec l’état naturel des femmes.
Ainsi le journal Le Monde, dans ce qui n’est qu’une énième illustration des censures imposées par excès de pudibonderie, avait publié sur son compte Facebook un lien menant à cet article sur le dépistage du cancer du sein, illustré fort logiquement par la poitrine d’une patiente installée dans un appareil de mammographie. Estimant tout aussi logiquement que cette image n’avait rien de choquant et ne saurait déranger ses lecteurs, pas plus sur LeMonde.fr que sur Facebook, le site a choisi de publier la même photo dans sa publication sur Facebook.
Mais comme souvent, les algorithmes détecteurs de tétons féminins de Facebook se sont allumés, et ont censuré la publication que les internautes ne sauraient voir.
Le Monde, qui publiait l’article sous sa marque Les Décodeurs, a toutefois eu la même réponse possible à cette censure. Sans aller (on peut peut-être le regretter) jusqu’à livrer une véritable campagne contre la censure de Facebook, comme l’a fait son homologue norvégien, le quotidien a re-publié son billet en changeant l’image. À la place de la poitrine d’une femme, il a choisi une poitrine d’homme, en sachant que celle-ci ne serait pas censurée. Chez Facebook, il n’y a pas d’égalité entre les tétons.
Pour expliquer les raisons de cette image à ses lecteurs qui peuvent en être surpris, Le Monde l’a légendé avec cette phrase qui veut tout dire : « Facebook ayant censuré l’image de mammographie qui accompagnait l’article, nous la remplaçons par une image de torse nu d’homme qui, elle, ne viole pas les conditions d’utilisation du réseau social »,
Dans ses conditions de service, Facebook interdit en effet explicitement la publication de contenu incluant de la nudité ou de la pornographie. Toutefois, dans ses standards de la communauté, le réseau de Mark Zuckerberg reconnaît nuance en reconnaissant que s’il censure « certaines images de poitrines féminines si elles montrent le mamelon, [il autorise] toujours les photos de femmes qui défendent activement l’allaitement ou qui montrent les cicatrices post-mastectomie de leur poitrine ».
Appliquant finalement ses propres règles, Facebook a donc accepté de revenir sur sa décision et a même présenté ses excuses. Mais comme toujours, ou presque, elles interviennent trop tard. Et surtout, elles ne justifient en rien pourquoi la poitrine d’une femme devrait rester une image taboue, et pourquoi celle d’un homme serait socialement acceptable.
Facebook ne fait pas progresser la liberté des femmes et leur respect s’il entretient cette idée que la femme, dès lors qu’elle dévoile une partie de son corps, serait nécessairement un objet de désirs sexuels, et qu’il faudrait empêcher que les hommes soient tentés. C’est de la banalisation que naît la nécessaire indifférence, que nos sociétés modernes ont oubliée en faisant du corps quelque chose qu’il faut revêtir, pas seulement par nécessité, mais par convenance.
Que Facebook interdise la pornographie est quelque chose de totalement normal et compréhensible. Qu’il considère que l’image du corps nu d’une femme doit être considéré comme quelque chose de pornographique par défaut, jusqu’à jugement contraire, pose en revanche un grave problème.
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