Des députés russes ont déposé à la Douma d’État un amendement dans le cadre de l’examen d’une loi anti-terrorisme en Russie, qui propose d’infliger des amendes aux fournisseurs de messageries instantanées lorsqu’ils ne fournissent pas les moyens de déchiffrer les messages au FSB, le service secret du pays.
Le texte proposé, qui a recueilli l’approbation du Comité de la Douma pour la sécurité et la lutte contre la corruption, prévoirait une amende de 1 million de roubles pour les éditeurs de solutions de communication chiffrées qui sont en infraction, soit 13 700 euros environ. Il punit aussi le fait pour les internautes eux-mêmes de refuser de fournir leurs clés de chiffrement, en prévoyant pour eux une amende limitée à 3 000 roubles seulement, soit environ 40 euros. Pour les fonctionnaires, l’amende est portée à 5 000 roubles.
Déchiffrer pour mieux censurer
La semaine dernière, le procureur général de Russie Iouri Tchaïka, avait estimé nécessaire de filtrer en amont les messages véhiculés à travers les messageries comme WhatsApp, Telegram ou Viber. Certains médias locaux avaient même rapporté que le chef de la justice russe souhaitait amender la loi pour obliger à un tel filtrage, notamment pour éviter la diffusion de messages qui livrent des méthodes de suicide (on se souvient que c’est pour ce type de contenus que la Russie avait bloqué tout Github).
Mais interrogé au parlement, le ministre des communications Nikolai Nikiforov avait expliqué qu’une telle proposition serait inapplicable. « Elle est techniquement impossible [à mettre en œuvre] en raison du fait que le trafic est chiffré », avait-il expliqué. D’où la proposition des députés russes, dont on ne sait pas encore si elle reçoit le soutien du gouvernement.
La question du chiffrement et des problèmes qu’il pose aux forces de l’ordre était arrivée à son paroxysme il y a quelques mois, aux États-Unis, après la tuerie de San Bernardino. Le FBI avait poursuivi en justice Apple pour qu’il débloque le contenu chiffré de l’iPhone du principal suspect, ce qu’Apple n’avait finalement pas eu à faire. Partout dans le monde, des propositions sont faites pour fragiliser le chiffrement des messageries, qui permettent aux citoyens de discuter à l’abri des regards, et qui sapent ainsi le travail des services de renseignement.
En France aussi, des amendements avaient été proposés à droite comme à gauche, lors d’une récente loi de procédure pénale, qui s’attaquaient au chiffrement.
Mais toutes ces initiatives se heurtent au réel : prévoir l’accès par les autorités aux communications, c’est nécessairement fragiliser des protocoles et introduire des failles qui peuvent être exploitées y compris par des groupes criminels ou des puissances étrangères.
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