La Société Civile des Producteurs de Phonogrammes (SCPP) et l’association France Webradios ont conclu un accord cadre pour permettre aux webradios françaises d’exister légalement en diffusant de la musique issue du catalogue des majors. Trois contrats types ont été négociés, en attendant les contrats avec les indépendants et la Sacem, qui devraient être vite annoncés. Explications.

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L’accord était négocié âprement depuis plusieurs mois entre la SCPP, qui représente en France les intérêts des principales maisons de disques, et l’association France Webradios, qui représente quinze webradios françaises : 4U Radios, Bide & Musique, Click’n Rock, Crock FM, Fréquence 3, La Grosse Radio, La Radio De La Mer, La Radio De Sebb, Paris One, Radio ABF, Radio Blagon, Radio DLV, RMX Radio, Rock One, et Xstream80. Selon la SCPP et l’association, toutes les webradios, qu’elles soient associatives, commerciales ou personnelles, pourraient être concernées par cet accord, soit environ 180 webradios en France.

Trois tarifications cadres ont été fixées par la SCPP en accord avec les webradios concernées. Les forfaits A, B et C couvrent respectivement les webradios qui reçoivent en moyenne moins de 5000 auditeurs sur 24 heures (les « très petites webradios »), moins de 20.000 (« petites ») ou plus de 20.000. La taille de la webradio et le forfait applicable dépend également des coûts de structures. Entre 15.000 et 40.000 euros de frais de structure, c’est le forfait B qui est immédiatement appliqué.

Au minimum, les très petites webradios devront payer 480 euros HT par an pour avoir le droit de diffuser des chansons issues du catalogue des majors et des plus grosses maisons de disques sur leurs antennes numériques. Les moins petites paieront 960 euros minimum, et les autres… près de 6100 euros, minimum. Autrement, c’est 15 % de la part du chiffre d’affaires généré par la webradio qui doit être payé tous les trimestres à la SCPP. Cette part est déterminée selon un barème progressif qui prend en compte le taux d’internautes qui visitent le site de la webradio sans activer le lecteur audio.

Sébastien Petit, qui préside l’association France Webradios, se dit très heureux de cet accord qui correspond aux attentes de ses membres. Il y aura bien sûr des mécontents parmi les autres webradios, reconnaît-il, et « il va y avoir des webradios qui vont mourir ». Mais selon lui c’était le meilleur accord à négocier, au risque de voir se perpétuer une situation dans laquelle aucune webradio ne pouvait continuer à exister dans la légalité.

Un accord limité aux radios qui n’écoutent pas de trop les envies leurs clients

L’accord, pourtant, est très restrictif. Il est limité aux seules webradios qui permettent uniquement une écoute « en flux » (en streaming), « sans reproduction possible ». Les webradios signataires n’ont pas le droit de proposer des fonctions interactives à leurs auditeurs, ni-même d’accompagner les chansons diffusées par des informations relatives (pochette, liens hypertextes…) sans négocier d’accord séparé avec chacun des ayant droits concerné. « La diffusion de phonogrammes doit être directe, continue et effectuée simultanément et de manière identique pour chaque membre du public connecté, qui ne devra pas pouvoir écouter une partie du programme sélectionné par lui et au moment qu’il aura choisi », peut-on lire dans le contrat. Les services personnalisés qui prennent en compte les goûts et les habitudes d’écoute de chaque auditeur sont explicitement exclus de l’accord.
La SCPP veut ressérer au maximum les conditions d’exploitation de ses catalogues pour se réserver la possibilité d’augmenter ses tarifs dès lors qu’un service plus interactif et fidèle aux attentes du public apparaît. C’est cependant prendre le risque de tuer dans l’oeuf tout esprit d’entreprise et d’innovation de la part de petites structures qui pourraient avoir des idées sans les moyens de les financer.

En première lecture, le contrat semble également obliger les webradios à diffuser les œuvres sous DRM. Mais M. Petit nous assure qu’aucun DRM ne sera utilisé, et qu’une solution technique de compromis a été trouvée. Lors de la diffusion des titres, les webradios changeront le tag ID3 des fichiers MP3 toutes les 30 secondes, de sorte qu’un logiciel comme StationRipper s’emmêle les pinceaux et découpe les morceaux en extraits séparés de 30 secondes. Sébastien Petit assure que ça ne gênera pas l’auditeur. A voir.

Dernières restrictions, les webradios ne peuvent ni annoncer leurs programmations à l’avance (pour « empêcher que les membres du public puissent programmer à l’avance la consultation [de la webradio] », écrit le contrat), ni effectuer librement la sélection des titres qu’ils passeront à l’antenne. Pas plus de 3 titres d’un même album ou d’une même compilation dans une même tranche de trois heures, et pas question d’enchaîner les 3 dans une même tirade. Au moins un titre doit être séparé des deux autres. De même, pas plus de 4 chansons d’un même artiste-interprête pourront être diffusées sur une période de trois heures. Oubliez les soirées Mike Brant.

D’autres accords et factures à venir

Rappelons à toute fin utile que l’accord avec la SCPP ne concerne que les diffusions des phonogrammes dont les droits sont détenus par celle-ci. Il s’agit principalement des titres issus des catalogues Universal, Sony BMG, Warner Music et EMI. Un accord similaire sera annoncé à la fin du mois avec la SPPF, qui négocie les droits des indépendants (le montant est encore confidentiel mais il sera bien sûr moins élevé), ainsi qu’un accord avec la Sacem, qui défend les droits des auteurs, des compositeurs et des éditeurs.

La bonne vieille webradio réalisée dans un garage est belle et bien morte. Il faudra désormais tenir comptabilité et trouver des annonceurs, même si la radio ne réunit que quelques dizaines ou centaines d’auditeurs par jour. Pas très web 2.0.


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