Le ministère de la Culture doit réaliser le difficile exercice de reconnaître l’échec de la Carte Musique Jeune, tout en pariant sur son succès à venir, et en niant qu’elle puisse aggraver les déficits publics par une dépense inutile.

On le sait, la Carte Musique Jeune lancée l’an dernier est très loin d’atteindre le succès escompté lors de sa conception au ministère de la Culture. Il a fallu d’abord trafiquer les chiffres pour faire croire à un engouement, avant que Frédéric Mitterrand reconnaisse lui-même en début d’année que les ventes étaient « en dessous des espérances« . Officiellement, selon des chiffres gonflés aux hormones et semble-t-il multipliés par deux, 50 000 cartes auraient été vendues dans le mois suivant son lancement.

Le principe d’une aide accordée par l’Etat à l’achat de musique en ligne n’est pas remis en cause, c’est la complexité avec laquelle la carte est commercialisée et la faiblesse de la communication marketing qui sont pointés du doigt par les promoteurs. Le ministre de la Culture avait donc annoncé en janvier une refonte du site internet, une matérialisation de la carte qui pourrait être vendue dans les commerces de proximité (ajoutant des intermédiaires coûteux à la chaîne), et une nouvelle opération de communication dont personne ne semble prêt à assumer le coût. Ni le gouvernement astreint à la rigueur, ni les plateformes qui craignent de jeter l’argent par les fenêtres.

Interrogé par le député Bernard Carayon, qui demandait ce que la Carte Musique coûterait à l’Etat, le ministère de la Culture a laissé entendre lundi que le budget initialement prévu de 25 millions d’euros par an ne sera pas épuisé. Cette enveloppe « ne sera consommée en totalité que dans l’hypothèse où l’ensemble des plafonds réglementaires, soit 1 million de bénéficiaires par an à raison de 25 EUR au maximum par bénéficiaire, sont atteints« , écrit la rue de Valois. Rappelons que l’an dernier, en nous basant sur le scénario exagérément optimiste de 10 000 cartes de 50 euros vendues par semaine, nous avions calculé que l’opération coûterait 13 millions d’euros cette année, soit la moitié du budget prévu. Et nous tablions plutôt sur un budget inférieur à 5 millions d’euros.

« En fonction du succès de la carte musique, cette enveloppe pourra être revue« , indique le ministère de la Culture, qui ajoute sans précisions que « d’autres modes de financement pourront être explorés pour les années suivantes« . Actuellement, c’est le budget de la rue de Valois qui est amputé par l’opération. Peut-être le ministère espère-t-il la création d’une taxe, par exemple assise sur les abonnements à Internet, à l’instar de celle qui abonde le fonds de financement de la création audiovisuelle.

Par ailleurs, le ministère se veut rassurant sur l’impact budgétaire de la Carte Musique en période de crise. Dès l’annonce de sa création, nous avions sévèrement critiqué le Président de la République qui invite un évadé fiscal à chanter au 14 juillet sous la Tour Eiffel et qui décide d’aggraver le déficit public pour ajouter une subvention à l’industrie musicale. « Les rentrées fiscales et sociales générées par l’opération en réduiront substantiellement le coût net pour le budget de l’État« , écrit le ministère de la Culture, qui n’apporte aucune démonstration à ce qui semble totalement fantaisiste.

« Il faut savoir que toutes les institutions territoriales qui offriront à leurs jeunes concitoyens une carte d’accès à la musique numérique alimenteront le budget luxembourgeois« , avait taclé le président de la Commission des finances du Sénat Jean Arthuis, en référence au leader iTunes qui n’est pas domicilié en France.

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