Pas facile de vivre avec son temps, surtout lorsque l’on dirige une institution autant bouleversée par les nouvelles technologies. Laurent Petitgirard, le président du conseil d’administration de la Sacem, semble souffrir d’un certain conflit de génération…

Chez les sociétaires de la Sacem, on s’amuse régulièrement à moquer l’âge des membres du conseil d’administration. « Des vieux croutons« , n’hésitent pas à dire certains. Ca n’est pourtant pas la faute de la Sacem, les jeunes ne s’investissent tout simplement pas dans les instances de direction de la société de gestion… et à tort. A 55 ans, Laurent Petitgirard n’est pas ce que l’on pourrait appeler « un vieux », mais il a déjà bien du mal à comprendre la façon dont les nouvelles générations appréhendent la musique. Dans une interview accordée à Philippe Axel, le président de la Sacem se fâche : « J’en ai franchement assez de voir toute une génération trouver naturel de télécharger des sonneries téléphoniques minables de quinze secondes, en son midi, pour trois euros et trouver dans le même temps qu’il est anormal de payer un euro pour une chanson avec tout le travail que cela représente ». Monsieur Petitgirard n’a donc pas compris qu’un jeune qui paye 3 euros pour télécharger un fichier midi à mettre sur son portable ne paye pas pour avoir la chanson, mais pour bénéficier du service de personnalisation de son mobile. Les consommateurs ne consomment plus, ils co-créent. En payant 3 euros pour une sonnerie de portable, le consommateur ajoute de la valeur à son téléphone portable. Il en fait son portable à lui, à son image. A l’inverse le téléchargement d’un fichier MP3 n’a qu’une très faible valeur co-créative. Là où la sonnerie du portable s’active tout le temps et rappelle à longueur de journée la personnalité de son propriétaire, le MP3 est lui noyé au milieu de centaines voire de milliers d’autres chansons qui ne seront écoutées qu’au hasard d’une playlist.

« La chaîne de valeur actuelle tournée sur la transaction en un point est une vision qui n’est pas adaptée à la participation de plus en plus active des clients dans la définition de leur environnement de consommation », nous expliquait il y a peu Alban Martin, auteur d’un très bon mémoire sur la question.

Il est important pour la Sacem et l’ensemble de la filière musicale qu’elle comprenne que la musique n’a de valeur propre que pour une poignée d’amateurs. Pour une grande majorité du public, elle n’a en réalité de valeur qu’à travers l’expérience qu’elle sert à enrichir, qu’elle soit une chanson romantique à l’occasion d’un dîner dans un restaurant feutré (ce pour quoi la Sacem touche des redevances) ou une sonnerie de portable. Ce sont les services qui donnent aux internautes ces nouvelles expériences qu’il faut développer et faire payer, et non pas la musique en elle-même.


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