Sous couvert de protection des données privées, le député UMP Patrice Martin-Lalande a déposé un amendement à la loi Loppsi qui obligerait les FAI et les hébergeurs à bloquer toute transmission de clés de déchiffrage utiles aux décodeurs pirates, sur simple décision administrative.

Mise à jour : l’amendement a finalement été retiré avant séance, ce qui signifie qu’il ne devrait pas être examiné lors du débat sur la loi Loppsi.

On sait que les ayants droit de l’industrie musicale et cinématographique attendent beaucoup de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi). Ils espèrent que la lutte contre la pédophilie sera un sujet suffisamment fort émotionnellement pour bloquer tout débat sur l’opportunité d’un filtrage imposé aux FAI par l’administration. Pour le moment, leurs espoirs ont été annihilés par le travail de la commission des lois qui a adopté à l’unanimité un amendement du député UMP Lionel Tardy qui replace le juge au centre du dispositif. Sans ordre judiciaire, point de filtrage.

Mais ils n’ont pas dit leur dernier mot. Le député UMP Patrice Martin-Lalande, co-président du groupe d’études parlementaire sur Internet, l’audiovisuel et la société de l’information, a déposé un amendement n°294 qui vise directement à protéger Canal Plus grâce au filtrage des flux sur Internet.

De rédaction très technique, l’amendement propose de modifier la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) pour disposer que « compte tenu de l’intérêt général attaché à la protection des données privées, les [fournisseurs d’accès et hébergeurs] se doivent d’empêcher le transit des communications au public en ligne permettant, via l’utilisation d’un protocole dédié au partage de secrets cryptographiques, le déchiffrement de données rendues accessibles à une personne physique sans droit d’accès« .

En clair, les FAI doivent empêcher la communication de clés de déchiffrage de Canal+, d’autres programmes cryptées ou plus généralement de tout contenu protégé par une méthode cryptographique lorsque le destinataire de ces clés n’a pas le droit d’accéder au contenu chiffré (généralement quand il n’a pas payé). « Sur l’internet, les flux illégaux qui comportent des clefs de cryptage donnent aux individus qui les piratent accès à des données qu’ils n’auraient pas dû recevoir« , explique Patrice Martin-Lalande. Son amendement a donc pour objet de « filtrer sur l’internet les flux illégaux comportant des clefs de cryptage afin d’améliorer la protection des données privées« . Et le premier exemple donné par le député UMP est celui de « la protection des droits d’auteurs (piratage de flux audiovisuels)« . On pense bien sûr aux décodeurs pirates Canal Plus ou CanalSat qui reçoivent automatiquement les clés de déchiffrage à jour par envoi régulier.

Conscient des difficultés techniques, l’amendement ajoute que « dans les cas où cette opération ne peut être effectuée de manière automatique par reconnaissance des flux concernés et du protocole utilisé, l’autorité administrative notifie aux (FAI ou hébergeurs) les adresses internet des services de communication au public en ligne répondant aux caractéristiques du précédent alinéa, auxquelles elles doivent empêcher l’accès sans délais« .

Ainsi si le FAI ou l’hébergeur ne peut pas détecter par DPI au sein d’un même flux de communication chiffré ce qui relève du piratage et ce qui relève de la simple protection de données privées (par exemple bancaires), le FAI pourrait avoir l’obligation de bloquer tout le flux. Et de contraindre ainsi tout le monde à ne plus chiffrer ses communications. Une drôle de notion de la la protection des données privées.


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