La mission Zelnick devrait proposer d’ici la fin de l’année au gouvernement de taxer les revenus des fournisseurs d’accès à Internet, et les revenus publicitaires des moteurs de recherche, au bénéfice des industries audiovisuelles. Hasards ou coïncidences, un cabinet de conseil très proche du ministère de la culture et des industries culturelles conclut justement dans une étude qu’il pourrait être bénéfique de taxer les investissements publicitaires sur Internet.

Mise à jour : Laurent Petitgirard nous précise que contrairement à ce que nous écrivions, il souhaite bien, avec sa proposition de licence musique, une contrepartie : « la Licence Musique que j’ai envisagée comprenait l’accès gratuit à des sites de téléchargement comprenant tous les titres ». C’est dit. Mais nous parlions bien sûr de contrepartie juridique, en particulier l’extension de la copie privée aux téléchargements et à la mise à disposition des œuvres.

Lorsqu’une décision est prise, il faut mettre en œuvre le processus pour parvenir à son adoption. Ca se déroule généralement en suivant scrupuleusement les mêmes étapes :

  1. Définir la décision à laquelle on veut aboutir (en général avec l’aide généreuse des lobbys) ;
  2. Désigner une commission fantoche chargée de parvenir aux mêmes conclusions ;
  3. Sortir sondages et études destinées donner à cette commission du grain à moudre pour légitimer sa décision ;
  4. Saluer le travail de la commission et l’originalité du travail fourni ;
  5. Publier le projet de loi qui traduit en verbiage juridique la décision prise et soutenue par la commission ;
  6. faire croire au grand public que les parlementaires ont leur mot à dire ;
  7. Promulguer le projet de loi

Concernant la taxation des revenus des FAI et des revenus publicitaires au profit de l’industrie audiovisuelle, les deux premières étapes ont déjà été accomplies brillamment. L’idée de taxer les FAI sans contrepartie pour les internautes a été largement soutenue par la Sacem et son ancien président Laurent Petitgirard, tandis que la SACD présidée par le brillant lobbyiste Pascal Rogard s’est occupée de la taxation des revenus publicitaires.

La commission fantoche chargée d’accoucher sur le papier les mêmes idées a été désignée, avec à sa tête le producteur Patrick Zelnick (président du plus gros label indépendant français, car la ficelle aurait été trop grosse avec le président d’une major), accompagné par l’ancien ministre de la culture Jacques Toubon, et par Guillaume Cerutti, ancien directeur de cabinet au ministère de la culture, et à ce titre architecte de la loi DADVSI. Avec un tel trio, la sortie de piste est improbable.

Vient ensuite le temps des études très scientifiques destinées à valider les conclusions de la commission. C’est là qu’intervient l’omniprésent cabinet NPA Conseil, qui avait déjà publié quelques semaines après les conclusions de la mission Olivennes un sondage encourageant pour le succès populaire de la riposte graduée et de la lutte contre le piratage. Il suffit de consulter la longue liste des clients du cabinet pour vérifier qu’effectivement, comme ils le disent, « NPA travaille pour l’ensemble des secteurs et acteurs du marché, en toute indépendance« . Lorsque l’indépendance a besoin d’être ainsi affirmée, c’est rarement bon signe sur la réalité.

Or le cabinet a publié, hasard du calendrier sans doute, une étude qui préconise de taxer les moteurs de recherche, qui captent de loin l’essentiel du marché publicitaire en ligne. En particulier Google, qui selon Yacast génère 1,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires grâce aux publicitiés Adwords en 2008, très très loin devant les régies Internet de Lagardère (158 millions), TF1 (150 millions) ou M6 (41 millions). Les plus gros acteurs étant cependant basés aux Etats-Unis, hors de portée du fisc français, NPA avance l’idée de « taxer les investissements des annonceurs français sur ces portails« . Bingo.

Un prélèvement à la source chez Coca-Cola France et le plombier Marcel de Sainte Geneviève des Bois sur leur budget publicitaire. « Les annonceurs pourraient être assujettis à une taxe assise sur leurs investissements publicitaires internet. Cette dernière alimenterait le COSIP (fonds de soutien pour le cinéma, ndlr) ou un autre fonds créé à cette occasion et visant à financer les œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et OEF« , explique NPA Conseil.

L’étape 3 est satisfaite. Patrick Zelnick a déjà repris l’idée pour les conclusions qu’il remettra d’ici deux mois au ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.

Du travail de pros.

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