En allemagne, un internaute suspecté d’avoir mis à disposition un film pornographique protégé par le droit d’auteur sur eMule, accuse la société qui a relevé son adresse IP d’avoir elle-même partagé le fichier pour le piéger. Une histoire aux multiples répercussions.

C’est une histoire qui commence de manière banale. Daniel Fringer, un développeur installé à Hanovre, a été accusé par une société allemande d’avoir partagé illégalement sur eMule une vidéo détenue par le producteur pornographique Purzel Video. La société demande donc réparation pour éviter un procès. Mais l’internaute assure que s’il a téléchargé le fichier sur le réseau P2P, c’est en ayant été trompé sur son contenu à cause d’un faux nom de fichier. Il accuse en outre la société chasseuse de pirates d’avoir elle-même mis en partage la vidéo pornographique pour l’inciter à la télécharger, et de l’avoir fait au mépris des lois allemandes sur la protection des mineurs.

Sur eMule, les fichiers sont identifiés non pas par leur nom, mais par une signature numérique unique (le « hash ») qui est calculée par un algorithme à partir du contenu du fichier. Plusieurs utilisateurs peuvent donc télécharger et partager strictement le même fichier sous différents noms. Pour sa défense, le développeur assure donc qu’il n’avait pas voulu télécharger le film pornographique, mais un logiciel de conception de pages web. Il a été trompé par un faux nom de fichier partagé, et ainsi accusé d’avoir commis un acte qu’il n’avait pas souhaité commettre.

Ce problème seul devrait déjà faire réfléchir en France sur la pertinence de la loi Hadopi, qui ne prend en compte l’intentionnalité de l’infraction, alors qu’il est très simple de participer à son insu à une contrefaçon collective…

Par ailleurs, Finger explique qu’il n’a pas utilisé un logiciel eMule traditionnel, mais une version modifiée par ses soins pour empêcher l’upload. La bidouille, détestée de la communauté P2P puisqu’elle permet de télécharger sans rien partager, permet en principe de se mettre à l’abri des chasseurs de pirates qui collectent l’adresse IP des utilisateurs qui uploadent les fichiers contrefaits.

Pour Finger il n’y a qu’un moyen pour la société allemande d’avoir trouvé son adresse IP malgré l’absence d’upload. Elle n’aurait pas regardé uniquement qui partageait le fichier, mais aussi qui venait le télécharger chez elle. La tactique du pot de miel est en théorie légale si les ayants droit autorisent le prestataire à partager ses films pour piéger les pirates (quoi que dans ce cas y a-t-il encore contrefaçon ?).

Mais dans le cas des films pornographiques, le procédé devrait être prohibé.

En effet, la loi outre-Rhin interdit la mise à disposition de contenus pornographiques sans vérification de l’âge de la personne qui cherche à y accéder. Dans le souci de protéger les mineurs, les Allemands doivent vérifier la majorité des clients avant de leur fournir l’accès à des contenus pornographiques. C’est cette même règle qui avait permis à un lobby de vidéoclubs de trouver un angle juridique pour s’attaquer aux newsgroups de Usenext. Or sur eMule, une telle vérification de l’age des P2Pistes est impossible.

Finger accuse donc le chasseur de pirates d’avoir violé les lois allemandes sur la protection des mineurs. Il a l’intention de porter l’affaire devant les autorités pénales, et demande à ce qu’une enquête soit ouverte à l’encontre de l’enquêteur privé, et de tous ceux qui ont partagé le fichier pornographique qu’il pensait être un simple logiciel…


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