Alors que le conclusions de Denis Olivennes devaient être livrées cette semaine à la ministre de la Culture, Christine Albanel a demandé hier au patron de la Fnac de faire naître au plus vite un accord entre les parties prenantes, qui actera le filtrage des réseaux, la mise en place de radars et de la riposte graduée.

Avant de se rendre hier soir sur France 3 à l’émission de Frédéric Taddéi au cours de laquelle il est revenu sur ses positions précédemment exprimées et s’est aligné sur les propositions du SNEP, le patron de la Fnac Denis Olivennes avait rendez-vous le 13 novembre avec Christine Albanel pour l’informer de l’évolution de sa mission sur la lutte contre le téléchargement illégal. Il a fallu deux jours au ministère pour publier un communiqué, signe que chaque mot a bien été pesé dans un souci de ne soulever aucune vague.

« Denis Olivennes et les membres de sa mission ont achevé un cycle d’auditions qui leur ont permis de rencontrer les créateurs et les industriels de la musique et du cinéma, les diffuseurs de contenu et notamment les fournisseurs d’accès à Internet, ainsi que les consommateurs, tous représentés à un très haut niveau », assure le ministère, qui ajoute que « les positions exposées lors des auditions convergent vers plusieurs points importants de consensus ». Ce qui ne veut pas dire qu’il y a effectivement consensus, mais simplement que la méthode Coué exige de « converger vers » lui.

Trois points sont ainsi évoqués par la ministre de la Culture Christine Albanel, qui souhaite désormais que « les modalités de leur mise en œuvre puissent faire l’objet d’un accord très rapide entre les parties prenantes » :

  1. La riposte graduée : « La nécessité de mettre en œuvre un dispositif articulant avertissements personnalisés et sanctions proportionnées à la gravité des actes en cas de téléchargement illégal » ;
  2. Le développement de l’offre légale : « L’assouplissement au bénéfice des consommateurs des modalités de téléchargement légal, notamment la rapidité de mise à disposition des œuvres et l’interopérabilité des fichiers qui en sont le support » ;
  3. Le filtrage : « tirer parti des possibilités offertes par les technologies de marquage des œuvres et de filtrage »

Contrairement à ce que le silence de Denis Olivennes laissait entendre hier sur le volet répressif de sa mission, la riposte graduée est donc bien au programme, avec la volonté ferme de s’assoir sur la censure du conseil constitutionnel qui avait annulé cette disposition déjà avancée par Donnedieu de Vabres en 2006. Pour y parvenir, il ne faut pas passer par la loi – trop démocratique, mais par un accord privé dont Denis Olivennes nommait hier les futurs signataires : « les fournisseurs d’accès à Internet, le cinéma, la musique et les pouvoirs publics ». Aucun représentant du public ; ou alors ça n’était qu’un oubli de sa part, ce qui n’est pas moins grave.

Concernant le développement de l’offre légale, ça ne coûtait rien de l’écrire. Il y a déjà eu de longue date un accord sur ces mêmes principes, et l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) mise en place par l’ancien ministre est déjà censée favoriser l’interopérabilité. Le point qui fait le plus débat est celui sur la rapidité de mise à disposition des œuvres, puisqu’il s’agit ici d’aligner la fenêtre de la VOD (de 7,5 mois après sortie en salle) sur celle des DVD (6 mois), mais il n’y a plus grand monde dans l’industrie du cinéma pour s’y opposer.

Enfin concernant le filtrage, il faut apprécier le flou de l’orientation. Que doit-on comprendre du fait de « tirer parti des possibilités offertes par les technologies » ? S’agira-t-il de mesures coercitives auprès des FAI, auprès des fournisseurs de services, auprès des abonnés eux-mêmes ? Ou simplement de mesures volontaires encouragées par des réciprocités ? Et que ce sont les « possibilités offertes » ? Faut-il qu’elles soient totalement efficaces pour être mises en place ? S’agira-il d’une obligation de moyens ou de résultats ? Garantiront-elles toujours la neutralité du réseau et l’utilisation des réseaux P2P à des fins légales ? Quid du respect des exceptions au droit d’auteur comme le droit de citation, de parodie ou de revue de presse ? Si filtrage il doit y avoir, il devra passer par une batterie de problèmes juridiques et techniques à régler…

Parions que quel que soit l’accord qui sera signé, il le sera sur des bases de consensus a minima qui ne règleront aucun problème, mais risquent bien d’en créer de nouveaux…

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