Par Sylvie Krstulovic : Décembre 2004, c’était une nuit comme toutes les autres…

Cette nuit là, une meute frappe à ma porte – réveille – panique – 6h20 du matin… dehors, l’hiver, un fin crachin, Paris engourdie… j’ouvre un oeil et puis l’autre, somnolente, je glisse hors du lit, l’électricité déchire ma nuit… je me dirige vers l’entrée, mon coeur accélère mais me ne réchauffe pas… alors que j’ouvre la porte, Morphée m’abandonne brutalement. Une main gantée me tend un mandat de perquisition. Quoi ? De quoi parlez-vous ? Je ne comprends pas… entrer ? Maintenant ? Je ne suis pas sûre… un ordinateur ? Mais que voulez-vous… ? Saisir ?!!! Une main se pose avec détermination sur mon épaule et me fait reculer, je vacille contre le mur… ça y est ! ils m’ont trouvé…

Cette situation, j’aurais peut-être pu la vivre… mais toi aussi lecteur !

En août 2004, l’ITIC nous annonçait que 81.5 millions de personnes avaient téléchargé de la musique en 2003, soit presque 5% des internautes mondiaux ; la France avec un taux de pénétration de 30% affiche 377 millions de titres téléchargés. Presque 1 français sur 3 est donc dans l’illégalité. (Depuis, les chiffres concernant la France ont été remplacés par des  » XXX « … que cela signifie-t-il ?)

Mercredi 15 décembre, Alexis a été sanctioné pour avoir téléchargé (download) des œuvres sur internet mais aussi pour en avoir mis à disposition (upload), ce qui dépasse le simple cadre de la copie privée.

La directive EUCD arrive en France dans les semaines à venir

En mai 2001, l’Union européenne a approuvé une directive sur le copyright (European Union Copyright Directive, EUCD) s’inspirant en partie du DMCA américain (Digital Millenium Copyright Act), voté en 1998. Sa traduction française est attendue sous le nom de « projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information » (LDASI).

La veille du procès d’Alexis, le ministre français de la Culture et de la Communication Renaud Donnedieu de Vabres a déclaré sur France 3 que « la directive droits d’auteur’ sera transcrite et applicable en droit français dans les semaines qui viennent ».

Quel est le problème ?

D’après le site EUCD Info, graver ses propres compilations à partir de ses CD, extraire son morceau favori d’un disque pour l’écouter sur son ordinateur ou encore dupliquer un DVD pour en disposer à la fois chez soi et dans sa maison de campagne : autant de pratiques très répandues, et jusqu’ici légales, que le gouvernement s’apprête à proscrire. Il s’agit du droit à la copie privée.

La copie privée, c’est le droit pour l’utilisateur de reproduire les œuvres, les interprétations musicales et sonores, ainsi que les enregistrements sonores ou audiovisuels, pour son usage privé et strictement non collectif.

L’avant-projet de loi  » relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information « , légitime les dispositifs techniques (DRM) installés par les éditeurs et les producteurs sur les CD et DVD pour en limiter la duplication. Surtout, il interdit de les faire sauter, menaçant ainsi directement la copie privée.

Vous aurez le droit d’acheter tout ce que vous voulez, mais si le contenu est protégé par des mesures de protection anti-copie, vous n’aurez plus le droit d’en disposer comme bon vous semble, même pour un usage privé !!

La copie privée dans l’économie numérique

Suite au rapport de Gilles Bordes et Alain Crawford, intitulé  » la numérisation des biens artistiques, danger ou opportunité « , la question est posée aujourd’hui de la place de la copie dans une économie numérisée. En évoquant la menace qu’exerce la copie ou la faculté de copier sur l’économie de la création, on pose aussi la question de la place à donner à la numérisation des œuvres ; faut-il la freiner, notamment techniquement, ou bien laisser émerger une nouvelle structuration du secteur ?

La numérisation des contenus ne semble pas, à l’heure actuelle, menacer la rémunération des auteurs. Ceci ne signifie pas que son impact ne sera pas profond. Mais il s’exercera sur le long terme et, en priorité, sur d’autres acteurs, en particulier les producteurs et des distributeurs.

Plus généralement, l’adoption d’une démarche agressive à l’égard des  » consommateurs de copie « , ce qui recouvre une majorité de consommateurs mais aussi d’acheteurs de disques, pourrait dégrader l’opinion du grand public sur l’industrie dans son ensemble.

Sylvie Krstulovic
Consultante, titulaire d’un Mastère de Marketing à l’ESSEC, elle est « une femme passionnée par les stratégies marketing dans le secteur des contenus digitaux« . Retrouvez le blog de S.K. sur http://mymusic.typepad.com/

(Note de la rédaction : Si vous souhaitez publier vos propres réflexions dans les colonnes de Ratiatum, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante :
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