C’est ce jeudi que les députés allemands doivent décider de voter une loi qui permettra au gouvernement d’ordonner aux FAI le blocage de l’accès à certains sites Internet, dont la liste sera déterminée par l’administration, sans contrôle du juge. Face à un consensus politique, les internautes allemands font monter la pression et démontrent la malhonnêteté du projet, qui sera adapté également en France avec la Loppsi.


(Zensursula, CC Stephan.luckow)

Mise à jour : Malgré la très forte opposition manifestée par les internautes allemands, le projet de loi a été adopté jeudi par le Bundestag par 389 voix contre128. :

Après le Danemark, la Finlande, la Grande-Bretagne, ou encore dernièrement Monaco, l’Allemagne vient s’ajouter à la liste des pays qui, en Europe, cherchent à censurer l’accès à certains sites internet au prétexte de lutter contre la pédopornographie. La ministre des affaires familiales allemande Ursula von der Leyen défendra jeudi au Bundestag une loi qui, à l’instar de la Loppsi en France, prévoit de faire obligation aux FAI de bloquer l’accès à des sites dont la liste sera établie par le BKA, l’office fédéral de police criminelle allemand.

Les sociaux démocrates et le parti conservateur, qui forment la coalition gouvernementale autour d’Angela Merkel, se sont mis d’accord lundi soir sur une version définitive du projet de loi présenté pour la première fois en avril dernier. Comme en France en début d’année, cinq opérateurs représentant les trois quarts du marché des télécoms allemands ont accepté en avril le principe de la loi, depuis très contesté par les internautes.

Le site allemand Netzpolitk raconte ainsi que les activistes opposés au filtrage du net se sont organisés via Twitter avec le tag #zensursula – une contraction de « zensur » (censure) et Ursula, le prénom de la ministre de la famille. Le site du Bundestag, qui permet aux citoyens allemands d’ouvrir des pétitions, a été submergé par plus de 130.000 signatures collectées contre le projet de loi depuis le 22 avril, dont 50.000 les trois premiers jours. Du jamais vu qui a fait tomber plusieurs fois le site du Bundestag. Plus de 500 personnes se sont également rendues à la conférence de presse donnée par le gouvernement pour manifester leur mécontentement devant les médias.

Beaucoup suspectent en effet que le filtrage ne concerne dans un premier temps que la pédophilie pour s’assurer du soutien populaire des familles. Mais qu’ensuite, la liste des sites bloqués sera étendue en modifiant la loi, lorsque le principe du blocage sera introduit. Des responsables politiques allemands ont déjà évoqué la possibilité de bloquer des sites de jeux d’argent en ligne (ce que prévoit aussi la France), les sites de propagande islamistes, de jeux vidéo violents ou de piratage. Par ailleurs, s’il n’y a pas de publication de la liste des sites filtrés, les dérives sont inévitables. Elles ont déjà été constatées en Australie, qui connaît le même type de blocage, ou en Finlande.

D’autres estiment par ailleurs que le blocage des sites par DNS est tout simplement inefficace, puisqu’il suffit aux pédophiles de changer de serveur DNS en adoptant un serveur hébergé à l’étranger.

Mais surtout, la plupart des opposants assurent que ça n’est pas en bloquant l’accès aux sites pédophiles que l’on protège les enfants violés. Les gouvernements qui, à travers le monde, proposent ce type de mesure, vendent à leurs électeurs une sécurité illusoire. Ils préfèrent cacher que chasser.

La meilleure preuve du cynisme du filtrage a été apportée par un internaute allemand. En partant d’une liste de sites bloqués révélée par Wikileaks, Alvar Freude a réalisé un script qui envoit automatiquement une demande de retrait de contenus aux hébergeurs des sites bloqués. Sur 348 hébergeurs contactés, 250 ont répondu, et 61 ont retiré le contenu illicite en moins de 12 heures. Sans commentaire.

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