Le filtrage des contenus au niveau européen au nom de la lutte contre la pédo-pornographie continue de provoquer des remous sur le Vieux Continent. Si la Commission européenne, à l’origine d’un projet de directive, estime que c’est une solution efficace, d’autres pensent que c’est la première pierre à une reprise en main du réseau, et des contenus qui transitent dessus.

Fin mars, la Commission européenne dévoilait une proposition de directive « relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants à la pédo-pornographie« . S’inspirant du modèle français de la loi Loppsi, qui vise à instaurer un filtrage des contenus au niveau des fournisseurs d’accès à Internet, l’exécutif européen souhaitait transposer ce principe à l’échelle européenne. C’est ainsi que l’article 21 exigeait que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour obtenir le blocage de l’accès par les internautes sur leur territoire aux pages Internet contenant ou diffusant de la pédo-pornographie« .

« La pédo-pornographie consiste en des images d’enfants victimes d’abus sexuels. Le téléchargement ou la visualisation de matériel pédo-pornographique sur l’internet a pour conséquence l’augmentation des viols d’enfants pour produire ces images » avait argué Cecilia Malmström, la commissaire européenne chargée des Affaires intérieures. « Quelles que soient les actions qu’elle peut entreprendre contre ce fléau, l’Union européenne doit agir et agira » avait-elle poursuivi, dans des propos tenus lors d’une conférence de presse et rapportés par l’AFP.

« La pédo-pornographie n’a rien à voir avec la liberté d’expression. Il s’agit d’un crime horrible » a-t-elle poursuivi. « Si nous n’agissons pas, les utilisateurs d’internet pourront considérer à terme ces images comme normales« . Et il n’y a vraiment pas à s’inquiéter de ce filtrage, selon elle. « Ce ne sera pas utilisé contre autre chose« , avait-t-elle assuré. Sauf que le plan européen est particulièrement imparfait

Si personne ne conteste la nécessité de combattre la pédo-pornographie, encore faut-il utiliser les bonnes armes. Or, comme nous l’avions relevé, l’article 21 de la proposition de directive (.pdf) est particulièrement incomplet. En en ciblant uniquement les « pages Internet », la directive rate tous les autres moyens permettant la circulation de ces contenus. Avec un champ d’application aussi restreint, il est impossible que l’Europe offre une réponse convenable à ce crime.

Par ailleurs, et nous l’avons longuement répété, le succès effectif du filtrage des contenus pédo-pornographiques n’est absolument pas assuré. Ce n’est pas un hasard si le gouvernement allemand y a renoncé, considérant que la mesure ne servait à rien. Pire encore, le déploiement à l’échelle nationale ou européenne d’un tel dispositif pourrait entrainer un effet contraire. Sauf si cette obstination est liée à d’autres enjeux ?

C’est en filigrane ce que laisse entendre la campagne « Cleanternet« . Si l’on en croit la présentation du projet, il s’agit d' »une campagne pour soutenir la commissaire européenne Cecilia Malmström dans ses projets d’introduire un système de blocage de sites web en Europe. Tous les pays européens doivent être contraints de se battre pour un Internet plus propre et plus sûr« .

Une vidéo qui vise évidemment à se moquer du projet de filtrage, et qui met en garde sur les dérives potentielles que peut introduire un tel dispositif. On notera surtout que la suppression à la source est définitivement la meilleure arme contre la diffusion et la circulation de contenus pédo-pornographiques. Et que cela peut intervenir très rapidement, en quelques heures. Preuve en est, les banques le font bien vis-à-vis des sites d’hameçonnage.

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