À l’initiative des Internettes, le mouvement #MonCorpsSurYouTube a éclos sur les réseaux sociaux. L’association, qui valorise les créatrices, s’offusque de voir des vidéos démonétisées au prétexte qu’elles parlent du corps féminin.

« Pourquoi les corps des femmes dérangent ? » Peu après 9 heures, ce vendredi 25 mai 2018, les Internettes ont publié sur leurs réseaux sociaux un texte interpellant directement YouTube. L’association, qui cherche à valoriser la création féminine sur la plateforme de vidéos, a défendu le droit de chacune à « disposer de son image » en lançant le hashtag #MonCorpsSurYouTube.

Dans ces lignes, les Internettes soulignent que YouTube a depuis quelques mois durcit les critères de modération « des vidéos où apparaissent des bouts de peau, ainsi que des dizaines de vidéos qui participent à l’éducation et la liberté sexuelle de toute une génération. » L’association regrette que ces contenus, ainsi démonétisés par la plateforme, ne touchent pas leur public.

Des femmes qui s’expriment librement

Par ailleurs, le collectif note la dimension symbolique du choix opéré par le site. « Par ce simple acte, YouTube nous glisse à l’oreille que nous devrions avoir honte d’être des femmes qui s’expriment librement », écrit l’association.

Les Internettes ont alors invité les créatrices qui ont vécu l’expérience de la démonétisation, parce que leurs vidéos évoquaient le corps ou la sexualité, à en parler sous l’égide du hashtag nouvellement créé. Ce faisant, l’association a aussi invité toutes les personnes qui veulent soutenir les créatrices à « inonder YouTube avec des vidéos décomplexées » et partager #MonCorpsSurYouTube.

L’appel n’est pas resté longtemps sans réponse, puisque de nombreuses créatrices ont saisi cette opportunité de raconter leur expérience de cette stigmatisation.

Contactée par nos soins, la coprésidente des Internettes Amélie Coispel nous explique que la thématique a toujours fait partie des préoccupations de l’association. « L’élément déclencheur de ce hashtag est un article publié par le site Madmoizelle, qui expliquait que de nombreuses vidéos produites par des femmes étaient démonétisées de YouTube », nous explique Amélie Coispel.

Décision symbolique, impact économique

Touchée par cet article, Marie Camier-Théron, à la fois cofondatrice des Internettes et chargée de l’événementiel chez Madmoizelle, a décidé de réagir en annonçant que l’association lançait le hashtag #MonCorpsSurYouTube.

« Quand ces femmes revendiquent leur droit à disposer de leur corps, elles se font démonétiser, poursuit Amélie Coispel. Or, les premières heures après la publication d’une vidéo sont les plus importantes. Cette décision de YouTube a donc un véritable impact économique pour elles. »

Un algorithmes à deux vitesses

La cofondatrice de l’association note que la plateforme ne s’embarrasse d’ailleurs pas de certaines contradictions. « Il y a deux poids, deux mesures », note Amélie Coispel, évoquant une remarque soulevée par Benjamin Brillaud, le créateur de la chaîne Nota Bene.

« Ma dernière vidéo sur le sexe au Moyen-âge a été monétisée (à ma surprise), pourquoi cet algo à deux vitesses ? », s’interroge-t-il. A contrario, la vidéo de Calidoscope sur le thème de l’avortement a été démonétisée et jugée inadaptée à un public mineur. Sur Twitter, la créatrice explique pourtant avoir consacré un soin particulier à choisir des mots et images accessibles à toutes et tous.

Bien que les Internettes se montrent réalistes quant à la possibilité d’avoir une réponse de YouTube, l’association espère déjà donner la parole aux créatrices concernées à travers ce hashtag.

« Avec #MonCorpsSurYouTube, l’objectif était vraiment de donner un espace à ces femmes. On peut voir ce hashtag comme une manifestation pacifiste, qui ne se limite d’ailleurs pas qu’aux créatrices », nous explique Amélie Coispel.

Un phénomène global

L’association souligne d’ailleurs que la problématique des contenus démonétisés sur YouTube s’inscrit dans un « phénomène plus global, dont Instagram fait par exemple partie en refusant de montrer des tétons de femmes », note notre interlocutrice. D’ailleurs, les Internettes ont relevé que les publications associées à leur nouveau hashtag sur Instagram étaient elles-aussi cachées par le réseau social.

Qu’elles parlent de menstruations, d’épilation, d’IVG, de harcèlement sexuel, d’estime de soi ou d’organes génitaux féminins, ces créatrices sont victimes d’une « inégalité globale, qui n’existe pas que sur YouTube. »

YouTube évoque ses règles publicitaires

De son côté, la plateforme se défend auprès de Numerama en évoquant la « différence entre la liberté d’expression sur YouTube et les contenus sur lesquels les annonceurs nous ont indiqué vouloir faire apparaître une publicité. » Ainsi, le site fait savoir que les vidéos conformes au règlement de sa communauté peuvent rester sur le site.

« Ce sont nos règles publicitaires — inspirées par les marques et les annonceurs — qui déterminent quels contenus peuvent être monétisés. Il existe des vidéos qui respectent le règlement de la communauté YouTube, mais qui ne conviennent pas nécessairement à l’ensemble des annonceurs », conclut YouTube dans ce communiqué.


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