Dans l'espace numérique, les biens non rivaux sont rois. Au contraire des objets physiques, qui sont des ressources rares et rivales, les biens immatériels ne souffrent pas de ces contraintes. Lorsqu'on récupère une œuvre dématérialisée, on n'en prive pas le propriétaire d'origine. Au contraire, comme l'explique Philippe Aigrain, l'accès ou l'usage par une personne n'enlève rien à la possibilité de quelqu'un d'autre de s'en servir.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la copie, même illicite, n'est pas du vol. Il ne s'agit de soustraire une œuvre à quelqu'un, puisque celui-ci pourra toujours en jouir, même si celle-ci a été piratée. En réalité, la copie numérique augmente le nombre d'exemplaires, sans à aucun moment déposséder le propriétaire de la copie originale. Mais d'aucuns envisagent de revenir à une rareté des copies.
Comme le signale GeekWire, Amazon a obtenu le feu vert du bureau américain des brevets et des marques de commerce (USPTO) le 29 janvier dernier pour un titre de propriété industrielle lui permettant de créer un "marché secondaire pour les biens numériques", c'est-à-dire un marché d'occasion où serait revendu des fichiers numériques d'occasion "usagés".
Déposée en mai 2009, la demande consiste manifestement à préparer la mise en place d'une plateforme de téléchargement dans la même veine que ce que propose ReDigi avec son service de revente de fichiers musicaux d'occasion. La firme américaine, qui propose une boutique d'achat de fichiers musicaux, pourrait ainsi y greffer un service qui permettrait à ses clients de revendre les titres achetés précédemment.
Évidemment, pour que ce système soit viable, il faut pouvoir réintroduire le principe de rareté dans la sphère informationnelle. Car en effet, un même client pourrait s'amuser à dupliquer à l'infini ses fichiers musicaux, à un coût négligeable, et ensuite les mettre en vente sur Amazon. ReDigi et Amazon s'en doutent évidemment et ont dans leurs cartons des idées pour introduire et contrôler cette rareté.
Ces idées tiennent en trois lettres : DRM. Les mesures techniques de protection, véritables verrous numériques, signeraient ainsi leur grand retour dans le domaine de la musique vendue sur Internet, après avoir disparu dans les années 2000. Ces DRM serviraient à restreindre l'usage, la copie ou le transfert afin d'en faire des ressources rivales, donc rares.
Pour l'heure, le projet de marché secondaire imaginé par Amazon reste très théorique. Aucune annonce en ce sens n'a eu lieu, d'autant que le site de e-commerce devrait au préalable ménager les maisons de disques, dont l'hostilité à l'égard du principe de revente de fichiers MP3 acquis légalement est connue. L'un des labels d'EMI, Capitol Records, a d'ailleurs déposé plainte contre ReDigi.
Le brevet obtenu par Amazon ne se limite de toute façon pas à la musique. Il est aussi question de livres électroniques, de contenus vidéo ou d'applications. Bref tout type de fichier numérique acheté légalement.
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