Quand j’étais gamin, j’allais acheter mes composants de PC dans de petites boutiques niçoises qui pratiquaient des prix exorbitants pour du matériel pas forcément dernier cri. Mais que voulez-vous, Internet n’était pas encore l’outil génial qu’il est aujourd’hui et on avait du mal à accéder à une information de qualité et des comparatifs bien pensés avant de passer à la caisse. J’entendais pourtant très souvent parler de la fameuse Rue Montgallet, une sorte d’El Dorado de l’informatique où tout se négociait à bas prix et où les derniers composants-même-pas-disponibles-en-France étaient livrés quotidiennement.
Quelques années plus tard, j’ai découvert la fameuse rue un brin déçu : il s’agissait en gros des mêmes boutiques que les petits commerçants niçois, en plus grand nombre. Et au fil des années, la rue a décliné, ne pouvant rivaliser avec ce que proposent les marchands web. La dernière fois que je suis retourné à Nice, j’ai constaté que les marchands de composants du nord de la ville avait aussi fermé boutique. Tant pis, les temps changent. Je ne me souviens d’ailleurs pas d’avoir acheté quoi que ce soit de technique dans une boutique physique depuis bien longtemps.
À Taipei, à quelques heures d’avion du célèbre Akihabara, la situation n’est pas la même. La ville, en ébullition pendant le Computex, reste une technopole industrielle toute l’année. Les usines qui fabriquent les produits ne sont jamais loin et les entreprises du monde de la tech’, qu’il s’agisse de HTC, Asus ou Acer pour les plus connues, ont donné aux habitants de la petite île une technophilite aiguë. C’est donc sans trop de surprise que survit encore aujourd’hui la caverne d’Alibaba qu’on nomme Digital Plaza. Quiconque est de passage dans la ville et a un tant soit peu de passion pour le tout et le n’importe quoi technologique ne peut pas manquer ce centre commercial hors du commun.
Car la Digital Plaza n’est pas une simple boutique d’un revendeur ou un grossiste qui refourgue sur ses étals les derniers modèles de tel ou tel constructeur. Non, il s’agit d’un conglomérat presque organique de plusieurs dizaines de minuscules boutiques spécialisées dans lesquelles s’entassent des composants électroniques et autres appareils par milliers. Depuis le début des années 1990, ce marché qui avait été ouvert quelques vingt années plus tôt par la ville de Taipei pour servir de librairie géante est devenu une référence dans l’électronique en tout genre.
Ce n’est pourtant qu’en 2008, après plusieurs relocalisations au gré des destructions et constructions de bâtiments que les vendeurs de la Digital Plaza s’installent dans le bâtiment de six étages au croisement des quartiers de Zhongzheng et de Daan. Six étages se dressent devant le passant hébété qui pourra, dans les cinq premier, arpenter des allées jonchées de pièces détachées et d’objets technologiques. Le dernier étage est réservé, lui, aux prestations de service après-vente.
Et quand on dit que la Digital Plaza est une sorte de temple à l’électronique sous toutes ses formes, aucun mot n’est de trop. Ici, vous trouverez un vendeur qui consacre ses quelques rayons à afficher des centaines de modèles de calculatrices. Là, un autre vendeur s’est spécialisé dans les disques durs. Des piles de disques (et une Apple TV sous blister, ne demandez pas) trônent sur des étagères. Ils ne sont d’ailleurs pas tout récent, oscillant entre 80 et 160 Go de stockage. On se dit qu’il s’agit de fin de séries reconditionnées qui ont échoué là et qui trouveront peut-être un deuxième, troisième voire quatrième acquéreur.
Un peu plus loin, on tombe sur un spécialiste du câble électrique qui rendrait fou de jalousie un vendeur de Leroy-Merlin, proposant à la fois des centaines de gaines et des fils métalliques de toutes les sortes. Un autre ne vend que des jumelles, un autre encore, des caméras IP. Au détour d’un angle droit et après avoir passé quelques boutiques de personnalisation de coque, pratique locale très répandue, on tombe sur un vendeur de haut-parleurs avant d’enchaîner sur une spécialiste des caches pour objectifs d’appareil photo. De quoi remplacer tous les SAV peu efficaces.
Les plus téméraires pourront trouver un magasin de guitares (?), un bi-classé talkie-walkie et ampèremètres ou encore, un grossiste de multiprises et de câbles audio. Gageons que ces bêtes imitation or vendues une bouchée de pain finissent dans les rayons des boutiques qui mêlent occultisme et audiophilie pour plusieurs centaines d’euros. Ici, nous n’avons vu qu’une seule fois un casque de réalité virtuelle sans marque connue. Les tendances trop récentes n’ont pas droit de cité dans ce monde.
Cela s’explique en fait par une autre raison qu’un supposé non intérêt des Taïwanais pour les technologies grand public et les dernières tendances à la mode : en mai 2015, la ville de Taipei a cloné sa Digital Plaza dans un bâtiment tout aussi titanesque juste de l’autre côté de la rue. Mission : développer un espace beaucoup plus luxueux pour accueillir les magasins flagship des marques. Quand on passe la passerelle pour rejoindre ce nouveau building nommé Syntred, l’ambiance change radicalement. Exit le côté artisanal, les empilements de matos et les stands improbables : on passe plutôt dans un univers aseptisé, enchaînant les clones d’Apple Store griffés avec les logos des marques taïwanaises et internationales.
On ne peut alors s’empêcher, en retournant sous la chaleur de Taipei, de se demander avec une certaine amertume combien de temps survivront les petits commerçants des origines face à ce mall de 7 étages flambant neuf qui ne cesse de grandir.
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