De passage à Paris les 16 et 17 novembre dernier, Rian Johnson, réalisateur et scénariste des Derniers Jedi, s’est prêté au jeu des questions-réponses au sujet de ce très attendu Épisode VIII de Star Wars.
Particulièrement détendu, le réalisateur américain de 43 ans a tenu à immortaliser chaque moment de ce marathon promotionnel grâce à son fameux appareil photo numérique — déjà mis à contribution sur le tournage des Derniers Jedi. L’interview, aux côtés de son producteur de longue date Ram Bergman, a donc pu commencer dans un salon de l’hôtel Bristol après s’être prêté à l’inévitable jeu de la photo.
Ressemblances avec L’Empire contre-attaque, questions irrésolues de l’intrigue, souvenirs de Carrie Fisher… Rian Johnson revient sur les coulisses de plus long épisode de la saga — 2h30, générique inclus –, en salle le 13 décembre, et se projette (légèrement) vers l’avenir de cette galaxie lointaine, dont il scénarisera la prochaine trilogie.
Après le succès de Looper, on imagine qu’Hollywood vous a proposé de reprendre plusieurs franchises. Pourquoi avoir refusé pour finalement dire oui à Star Wars ?
Star Wars, c’était différent, vu ce que [la saga] représente pour moi. Aussi niais que ça puisse paraître, c’est vrai. Star Wars [Un nouvel espoir] est l’un des premiers films que j’ai vu quand j’étais gamin. Je revois mon père qui me faisait monter dans la voiture pour aller le voir, je devais avoir 4 ou 5 ans, et je lui ai demandé où on allait. Il l’avait déjà vu donc il m’a répondu : « On va voir la meilleure chose que tu aies jamais vu ». Je ne me souviens pas du film en lui-même, juste d’être monté dans la voiture. […] Je n’ai vu les films en boucle que bien après.
Mais quand on nous a proposé [l’Épisode VIII], à Ram et à moi, nous n’avons pas dit oui tout de suite, nous avons pris notre temps pour y réfléchir. Étant donné que ce que ça représente pour moi, je voulais m’assurer que ce serait une bonne occasion, voir comment se déroulerait ce travail, et être sûr que nous pourrions être fiers du résultat. La réponse est positive, et c’était une expérience géniale.
J.J. Abrams comprend les fans qui lui reprochent d’avoir « plagié » Un nouvel espoir dans Le Réveil de la Force. Les trailers des Derniers Jedi laissent voir plusieurs similitudes avec L’Empire contre-attaque : avez-vous cherché à vous en inspirer ou au contraire à prendre vos distances ?
Je serai curieux de savoir, quand vous aurez vu le film, si vous trouvez qu’il ressemble trop à L’Empire contre-attaque. Je pense que ce n’est pas le cas mais je suis sûr que le public se fera son propre avis quand il l’aura vu (rires).
J’ai toujours [réalisé mes films] en me disant : « Je dois raconter cette histoire aussi honnêtement que possible ». Je pense que ce serait une erreur de tenter de copier L’Empire contre-attaque, mais qu’il serait tout aussi malvenu de prendre des décisions créatives en se disant : « On ne fera rien comme L’Empire contre-attaque ! »
Ces deux approches mènent, à mon sens, à deux versions forcées, qui ont les mêmes faiblesses. Mon approche consiste à partir des informations connues sur les personnages pour me dire : « Où est-ce que je veux les amener ? Comment sont-ils arrivés là ? À quelles épreuves les confronter ? » Et au fur et à mesure de l’écriture du scénario, j’ai essayé de suivre ce principe, ce qui m’a amené dans des directions inattendues.
Certains éléments structurels sont très ressemblants à ceux de L’Empire contre-attaque
Oui, ce film débute avec l’héroïne sur une île déserte, où elle part rencontrer un maître Jedi, comme Luke et Yoda [dans L’Empire contre-attaque]. Et les personnages sont séparés : certains se trouvent avec la Résistance, d’autres sont en vadrouille… Vous avez aussi ce qui semble être une forme d’entraînement au programme.
Certains éléments structurels sont très ressemblants à ceux de L’Empire contre-attaque, mais je ne pense pas que les spectateurs seront nombreux à sortir de la salle en se disant qu’ils ont vu une copie de L’Empire contre-attaque. Je ne vois pas comment ils pourraient se dire ça, mais peut-être qu’ils le le feront, on ne sait jamais ! (rires)
Mais vous devez aussi respecter « l’héritage » Star Wars…
Respecter l’héritage, ça consiste juste à réaliser un bon film. C’est tout, c’est la seule chose qui compte : créer quelque chose de drôle, de divertissant, de sincère et de surprenant.
Les films originaux ne respectaient aucun héritage, ils essayent juste de vous divertir, donc à mes yeux, le meilleur moyen de respecter ça, c’est de faire pareil.
Kathleen Kennedy a révélé que vous répondiez à certaines questions laissées en suspens dans Le Réveil de la Force, mais pas à toutes. Avez-vous abordé dès le départ Les Derniers Jedi avec l’idée de ne pas lever le voile sur tous les mystères ?
Oui, à mon sens, l’information et la révélation de ces informations n’est intéressante qu’à condition de servir un but dramatique. Révéler que « telle personne vient de tel endroit », que « telle personne est liée à telle autre »… d’accord, ça peut être intéressant, mais ça reste futile.
Ce genre d’informations trouvent seulement leur place dans un film si elles sont utiles à un passage dramatique. C’est le cas du « Je suis ton père » de Dark Vador à Luke. C’est un gros rebondissement, et c’est intéressant en soi, mais pourquoi est-ce que c’est aussi fort ? Parce que, d’un point de vue dramatique, ça renverse tout, autant pour Luke que pour le public, d’une manière particulièrement difficile à accepter.
Tout à coup, celui qu’on prenait pour un simple méchant facile à détester et qu’on voudrait voir mort devient bien plus complexe, et partie intégrante du héros. Luke est obligé de se dire : « Oh mon dieu, je ne peux plus simplement le haïr, nous sommes liés, je dois trouver comment lui permettre de se racheter ».
Les informations sont donc uniquement intéressantes dans la manière dont on les utilise dramatiquement. C’est comme ça que j’ai approché les réponses possibles aux questions pressantes [des fans]. Et j’ai réalisé de manière assez naturelle que certaines étaient utiles dans ce sens et d’autres non.
Mark Hamill s’est beaucoup interrogé sur les événements vécus par Luke Skywalker pendant la trentaine d’années écoulées entre Le retour du Jedi et Le Réveil de la Force. Quel type d’idées a-t-il partagé avec vous ?
Mark Hamill avait beaucoup d’idées (rires), et c’est génial ! Je lui ai dit : « Elles n’entreront pas forcément dans le canon de Star Wars mais on peut parler de ce qu’il a vécu pendant toutes ces années ».
Je voulais qu’il comprenne avant tout ce qu’était devenu Luke Skywalker, pour qu’il s’attache et s’identifie mieux au personnage. Principalement parce que ça devait être bizarre pour lui d’être si lié au personnage pendant tant d’années et de voir un jeune con comme moi débarquer avec un script, en lui disant : « Maintenant c’est comme ça ».
Quand j’étais petit, Luke était mon personnage préféré… Je sais que Han Solo était cool mais moi je ne l’étais pas donc je préférais Luke (rires). En plus, j’ai grandi dans le Colorado, au centre des États-Unis, et Luke incarnait ce personnage venu de nulle part qui se retrouve embarqué dans une grande aventure…
C’était génial de travailler avec Mark Hamill mais aussi très bizarre, parce qu’à chaque fois qu’on discutait, je me disais toutes les 10 secondes : « Je suis en train de parler avec Luke Skywalker ! »
Quel est votre souvenir de tournage le plus marquant avec Carrie Fisher ?
J’en ai tellement ! Les moments les plus amusants avec Carrie se déroulaient toujours avant le tournage, quand on se voyait pour ce qui devait être des répétitions mais qu’on se retrouvait finalement assis sur son lit pendant des heures, à éplucher le script… Elle enchaînait les blagues qu’elle voulait y insérer (rires). Je les gribouillais à chaque fois, j’avais des pages et des pages de calembours et de punchlines.
On s’entendait avant tout en tant qu’auteurs. Tous mes souvenirs de Carrie sont précieux, j’aurais aimé passer plus de temps avec elle, mais je suis content d’avoir eu celui-là. Nous n’avons pas touché à sa prestation dans le film, elle était terminée quand elle nous a quitté, et nous n’avons rien modifié.
Suivez-vous de près les réactions des fans aux trailers et aux différentes actualités liées aux Derniers Jedi ?
Oh oui, bien sûr ! Ce serait sans doute plus sain de ne pas le faire, mais je suis tout ça de près (rires). Je travaille sur ce film depuis tellement d’années que je meurs d’envie de savoir ce que les gens en disent.
Les trailers sont particulièrement réussis, Disney a fait du bon boulot, donc les réactions m’intéressent [et je lis aussi toutes les théories sur la trilogie] !
Pour la première fois, la prochaine trilogie Star Wars ne sera pas liée à la famille Skywalker. Vivez-vous ça comme une libération ou comme un défi supplémentaire ?
Les deux à la fois ! (rires)
Je suis impatient car c’est une forme d’émancipation et que les possibilités sont infinies. Mais c’est aussi intimidant car, depuis ses débuts, la saga se concentre sur un certain groupe de personnages et des intrigues en particulier. Mais j’adore l’idée de se dire : « Laissons tout ça et allons voir quelles autres histoires on peut trouver dans cet univers. »
Je ne crois pas qu’il existe des éléments intouchables dans les films Star Wars, des choses que vous seriez obligé d’intégrer. Le générique d’introduction ? Le thème principal ? Rogue One n’avait rien de tout ça. On pourrait bien sûr les conserver, mais rien ne nous y oblige.
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