Le film inspiré de la Belle et la Bête était attendu au tournant. Malheureusement, la communication de Disney autour de son œuvre masque un triste spectacle.

L’encre virtuelle s’étale et s’étire dans les médias et magazines, comme un centre névralgique autour duquel tout devrait tourner : à quel point La Belle et la Bête est-il un film gay ? La question est apparue à la suite des révélations par la Walt Disney Co d’une scène explicite sur l’homosexualité.

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Forcément, la presse s’est fait écho d’un tel événement : Disney, après des années de silence et d’ambiguïté, est enfin prêt à afficher des homosexuels à l’écran. Et si nous pouvions ignorer ce petit événement, néanmoins important dans un monde gouverné par les mythes hollywoodiens, il dit malgré lui beaucoup de l’échec qu’est La Belle et la Bête, dernier live-action Disney.

Des ajouts mineurs et une écriture flemmarde

En effet, derrière cette scène gay il n’y a en fait qu’une demie seconde qui n’apparaît comme explicite qu’au plus scrupuleux spectateur (adulte). Un non-événement en soi mais qui a été monté par Disney comme un élément fort de son nouveau long-métrage, un marqueur de sa modernité et de son audace. Et si l’on mesure l’audace du film de Bill Condon à la mesure de cette scène gay — qui ne comporte même pas un baiser — autant convenir que le film est lâche, peu inspiré.

Luke Evans stars as  Gaston and Josh Gad as Le Fou in Disney's BEAUTY AND THE BEAST, a live-action adaptation of the studio's animated classic directed by Bill Condon which brings the story and characters audiences know and love to life.

Luke Evans joue Gaston et Josh Gad, Le Fou

En réalité, le questionnement introduit sur la sexualité d’un personnage fait effectivement parti des ajouts, rares, de l’écriture 2017 au conte de fée déjà adapté par Disney en 1991. Et ces ajouts, que l’on retrouve éparpillés dans différents arcs narratifs et du côté de tous les personnages, sont ni idiots, ni inutiles — mais inachevés.

Si l’on mesure l’audace du film de Bill Condon à la mesure de cette scène gay, autant convenir que le film est lâche, peu inspiré

Sans spoiler, Belle tente ainsi de gagner en personnalité. Elle devient une jeune femme rejetée pour ses idées progressistes et féministes dans son village. Gaston, le méchant, gagne une identité et un passé, celui de l’ancien héros qui se retrouve privé de guerres et donc de raisons de vivre — quasi stendhalien. Le Fou devient le bouffon du vilain, mais fantasme manifestement sur ce dernier.

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Chacun y gagne donc son détail, son petit plus mais sous la plume de scénaristes qui regardent l’œuvre originelle avec malheureusement trop d’admiration pour pouvoir en dépasser les limites. Et c’est là que pêchent tous les ajouts qui composent la version 2017 du conte de fée : certainement frileux à l’idée de toucher à sa propre légende, Disney empêche toutes les nouvelles intrigues d’intervenir réellement sur le déroulé du film.

Palimpseste revendiqué, intérêt limité

Et à l’exception de ces ajouts très précis, qui concernent souvent à peine plus de cinq minutes d’exposition pour chacun, le live action reprend la langue et le style du dessin animé avec une fidélité désolante. Palimpseste revendiqué, La Belle et la Bête est la formule inverse de toutes les adaptations réussies jusque-là par Disney (Maléfique, Le Livre de la Jungle etc.).

Palimpseste revendiqué, La Belle et la Bête est la formule inverse des adaptations réussies

Pourquoi n’avoir pas poussé le travail de réécriture plus en avant et plus en détails ? Nous ne saurions dire si ce n’est que l’on comprend rapidement que le point d’orgue de la firme était d’offrir un produit lumineux, mouvant, spectaculaire et rythmé plutôt qu’une réécriture fine de sa copie.

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Mais malheureusement pour nous, lorsqu’un personnage quitte la feuille de papier de son cartoon pour gagner une chair et une voix grâce à un acteur, il lui faut absolument d’autres angles, une profondeur, une humanité, une incarnation. Or ici, aucun personnage ne gagne en volume, chaque acteur — malgré un bon casting — est obligé de répliquer, plan pour plan, les expressions et la passions immortalisées par les crayons Disney des années 1990.

le ressort narratif de l’homosexualité est strictement comique

Le meilleur personnage finit par être Gaston, notamment grâce à l’implication forte et perceptible de Luke Evans, qui campe le méchant tout en muscles et en fierté mal placée avec conviction. Josh Gad en fou est également plaisant mais nous avons encore du mal à encaisser que le ressort narratif de l’homosexualité soit seulement comique. En bref, Le Fou devient drôle car il est le dindon de la farce de son identité sexuelle : tout le monde voit qu’il est énamouré de Gaston, sauf lui, tout le monde voit ses mimiques efféminées sauf lui. Mimiques qui, forcément, font de lui gay de la farce,

C’est moyennement drôle, relativement dérangeant mais surtout monstrueusement anecdotique, accessoire. Tout comme le féminisme de Belle, qui la distingue de la masse villageoise et la conduit, in fine, à vivre seule dans un château avec un Prince car la plèbe n’aime pas les femmes cultivées (étrange féminisme).

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Des souvenirs que l’on conserve du dessin animé de 1991, il y a souvent les chansons, et les plans. Nourri par de multiples inspirations et une évolution technologique majeure, le dessin animé introduisait beaucoup d’excellence dans la réalisation d’une histoire plutôt simple. La scène du bal ou Be Our Guest sont par exemple des prouesses visuelles marquées dans leur époque et leur contexte.

De fait, pour une version 2017, avec plus de moyens, une technologie qui permet le rêve illimité et un format live action, nous attendions naturellement beaucoup d’innovations esthétiques et musicale. Il n’en est finalement rien. Bill Condon a retranscrit, voire traduit, chaque plan de 1991, comme pour les chansons qui mériteraient une critique dédiée pour les fans.

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Ainsi tout nous semble familier, tout en étant implacablement neuf. La version 2017 ne fait que dire à nouveau alors que l’on aimerait qu’elle dise nouvellement — la nuance est cruciale. Trop respectueux et dans le clin d’œil permanent, Condon perd de vu son film.

En fin de compte, il livre une œuvre sans saveur, limitée et lourde à la digestion tant sa vacuité frappe en plein cœur. La Belle et la Bête se heurte de fait sans cesse à la question de sa propre légitimité : pourquoi refaire sans défaire ? Que peut apporter 2017 à une histoire pluriséculaire ? Si l’on en croit la démonstration de Disney et Condon : pas grand chose.

Triste époque.

Le verdict

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4/10

La Belle et la Bête

Après un Livre de la Jungle enchanteur et extrêmement bien mené, nous nous attendions au mieux pour La Belle et la Bête. Malheureusement, Disney s'est perdu en chemin et n'a pas réussi la réécriture de son chef d'œuvre. Il en ressort un film fade, aux personnages caricaturaux et à la trame anecdotique. 

Plus problématique : les studios ont tenté de jouer la modernité sur plusieurs points, notamment l'homosexualité d'un personnage, mais se vautrent maladroitement dans des clichés qui, au lieu de montrer le progrès, finissent par véhiculer un contre-message. 

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