Lorsque le studio Supergiant Games publie Hades premier du nom en 2020, il m’est difficile de m’y intéresser. Certes, le jeu est plébiscité, se voyant accorder huit nominations aux Game Awards et remportant même deux trophées (meilleur jeu d’action et meilleur jeu indépendant). Mais dans ma tête, « c’est un rogue-lite, donc c’est non ». Je reste alors sur la déception d’un Dead Cells, pourtant d’excellente réputation, mais qu’on m’avait vendu à tort comme un metroidvania pour me séduire, sachant que j’étais totalement sorti de The Binding of Isaac, pourtant fait sur le papier pour le fan des vieux Zelda en vue du dessus que je suis. Cinq ans plus tard, je passe une grosse partie de mon temps libre sur Hades II, sans voir les heures passer. Mais qu’est-ce qui a changé ?
Points forts
- Tout simplement divin sur l’aspect artistique (graphismes et bande originale)
- Un gameplay à la profondeur phénoménale qui se renouvelle constamment
- Narration progressive dont il est passionnant de débloquer tous les arcs
Points faibles
- Malgré tout, toujours ce sentiment de « recommencer de zéro »
- L’aspect aléatoire peut être très frustrant sur certaines runs
- Essayer de trouver un troisième point négatif quand il n’y en a pas
Des nuits en enfer
Pour comprendre ce qu’est Hades II, il suffit plus ou moins d’expliquer ce qu’est son prédécesseur, paru cinq ans plus tôt. Le premier Hades est ce qu’on appelle un rogue-lite, à savoir un jeu d’action où s’enchaînent des arènes closes générées de façon aléatoire jusqu’aux bonus que l’on peut y récupérer, et dans lesquelles on progresse jusqu’à une mort qui nous fait repartir du tout début. Néanmoins, ceci ne se fait pas sans évolution du personnage joué, puisque l’on peut en tirer certains acquis, entre nouveaux pouvoirs débloqués sur la route ou diverses formes de monnaie à échanger dans un hub principal pour déverrouiller des améliorations d’équipement. Chaque nouvelle partie, appelée nuit ici, est donc différente, et le sentiment de progression est plus ou moins grand dès que l’on recommence, bien que dépendant d’un facteur aléatoire qui peut parfois frustrer lorsque l’équilibre des possibilités n’est pas au rendez-vous.

Cette composante, Supergiant Games l’a bien comprise, et bien qu’il ne soit aucunement envisageable de proposer un équilibre parfait, son premier jeu avait su séduire tout un tas de réfractaires à ce style de titre. Porté par une direction artistique à tomber par terre, donnant l’impression d’évoluer au sein d’une bande dessinée vivante basée sur la mythologie grecque, Hades avait également brillé dans l’exécution d’ensemble de sa proposition de gameplay : fluide, nerveux, précis, bourré de micro-détails affinant la jouabilité et s’assurant de pouvoir convenir au plus grand nombre sans trop frustrer le joueur face à une boucle inhérente au genre.
À titre personnel, je me souviens avoir tenté l’expérience lors de sa sortie physique en mars 2021, lui trouvant quelque chose de différent des autres rogue-lite m’étant tombés des mains, comme le pourtant excellent Returnal paru à la même époque. Hélas, je n’avais pas eu le bonne idée d’y retourner (c’est le cas de le dire) et je dois vous avouer que je me demande bien pourquoi, à moins de redouter la perspective d’enchaîner les nuits en enfer. Sauf que justement, c’est bien là son principal atout séduction…
La drogue, la vraie
Ayant eu avec le recul le sentiment d’être passé à côté de quelque chose, et l’arrivée de Hades II s’avérant imminente, j’ai donc choisi de ne pas reproduire la même erreur. Le premier contact fut rude, comme prévu, échouant face au premier boss une fois, puis deux, puis trois. Avant d’enfin en venir à bout, d’accéder au deuxième biome – à la musique délibérément envoûtante – et d’y échouer tout aussi lamentablement — cela va de soi. Cependant, il n’était plus question de me contenter d’une session de trois heures de découverte et de ne plus y retoucher. J’y suis donc revenu, j’ai insisté, et j’ai mis des heures avant de tomber un deuxième boss qui me pose encore de gros soucis après une trentaine d’heures de jeu aujourd’hui.

Oui, vous avez bien lu, une trentaine d’heures : je ne décroche plus de Hades II depuis que j’ai reçu sa version boîte, hormis le temps de compléter Metroid Prime 4 et de me dire que parfois, ce n’était pas ce que j’avais de mieux à faire. Le fait est que, exception faite d’un certain Hollow Knight: Silksong, parution d’envergure finalement assez comparable, je ne suis pas sûr d’avoir pris autant de plaisir à tuer mon temps libre sur un jeu vidéo en 2025. Tout ça parce que la boucle de gameplay du titre de Supergiant a su me séduire là où le concept me rebute d’origine. La raison ? Là où d’autres ont échoué sans me donner envie d’insister, Hades II y est parvenu car il est tout simplement plus juste, plus intelligent, moins radical dans sa proposition, sans pour autant verser dans l’assistanat ou la consensualité.

Un gameplay en forme olympique
Si une première mort, synonyme de retour à la case départ irrémédiable, ne frustre pas nécessairement, c’est l’enchaînement des échecs, partie intégrante du rogue-lite, qui peut engendrer un sentiment de ne pas progresser, et de ne pas vraiment comprendre comment devenir meilleur. Là où beaucoup de représentants du genre fonctionnent un peu bêtement comme de méchants die & retry, Hades II – à l’instar de son aîné – nous fait ressortir de chaque tentative avec le sentiment d’avoir seulement intégré quelque chose vis-à-vis de son bestiaire, de ses pièges, et de ces préceptes de gameplay. Mais surtout, il fait évoluer intelligemment sa narration, basée sur une nouvelle réinterprétation de la mythologie grecque, portée par une direction artistique et un character design époustouflant. On ne pourra à la rigueur que déplorer l’absence de doublages français, mais les dialogues s’apparentant à un visual novel, ce n’est pas très grave.

Dans Hades II, vous incarnez Mélinoé, fille de Hades et sœur de Zagreus, protagoniste jouable du premier volet. Son objectif ? Triompher de Cronos, le dieu du temps, antagoniste aussi charismatique que détestable, et dont la prise de pouvoir au détriment de Hades engendre le chaos dans les Enfers ainsi que dans l’Olympe. Au fil de votre progression, du hub de départ jusqu’aux boss de chaque biome principal, vous êtes amené à croiser de nombreuses divinités (Zeus, Héra, Poséidon, Aphrodite…) et personnages mythologiques (Ulysse, Narcisse, Icare, etc.). Chacun attribue aléatoirement des modificateurs de gameplay appelés bienfaits, et entre lesquels vous devez faire des choix qu’il va falloir assumer le temps de chaque partie.

Ce n’est pas le seul élément qui permet de personnaliser le gameplay. Vous débloquerez des armes disposant chacune de plusieurs niveaux d’amélioration ET de différents styles d’utilisation. Citons aussi un système d’acarnes à l’évolution étonnamment riche et complexe, qui contribue à personnaliser votre approche des combats sous tous leurs angles (vitesse de déplacements, d’esquive, jauge de vie et/ou de mana, quantité de secondes chances en cas de mort, etc.). L’arbre des possibilités est tel qu’il mériterait presque un article entier tant il offre de variété, et on n’a même pas évoqué ici les souvenirs à débloquer auprès des divinités et autres PNJ croisés durant l’aventure, conférant eux aussi leurs bonus à améliorer au fil des utilisations.

Une œuvre qui va direct au Panthéon
Je pourrais davantage détailler la profondeur des idées de gameplay, mais il vaut mieux vous laisser des surprises. N’ayant que trop peu joué à Hades, je confesse ne pas avoir identifié tout de suite quelles étaient les nouveautés caractérisant cette suite, mais après avoir pris le temps de vérifier, elles s’avèrent extrêmement nombreuses. Surtout, le jeu de Supergiant Games a fait l’objet d’un équilibrage étonnamment solide en dépit d’un facteur aléatoire qui peut demeurer frustrant (tout n’est pas parfait), ceci sans doute grâce à une période de bêta à laquelle les joueurs ont collaboré plus que de raison, contribuant à améliorer la formule déjà très solide du jeu de 2020.

Cependant, il y a un élément sur lequel les joueurs n’ont été d’aucune aide : le génie artistique d’ensemble de Hades II. D’une beauté et d’un niveau de détail désarmant, quoique un peu trop peu propice aux murs invisibles idiots, l’œuvre de Supergiant Games confine au sublime et flatte constamment la rétine. Musicalement, on n’est pas en reste : les compositions de Darrn Korb, historiquement associé au studio californien, sont envoûtantes, parfois angoissantes, et surtout témoignent d’un sens prodigieux du rythme. Ah, et quand des mélodies ont l’intelligence de mettre en avant la guitare basse habituellement si discrète et sous-estimée, on en redemande. Mention spéciale aux thèmes chantés, de l’entêtante Song of the Sirens à la délicieuse et irrésistible Moonlight Guide Us, sans oublier le véritable hymne rock/metal que constitue Coral Crown, dont on aimerait dire qu’on rêve d’y assister en concert avant de se rendre compte que c’est littéralement ce que le jeu nous offre.

Je pourrais m’étendre encore longtemps sur les innombrables qualités d’un titre qui a su me séduire non seulement artistiquement, mais aussi et surtout – et c’est bien là sa plus belle prouesse – sur sa structure, mais il n’y a qu’une chose à en retenir : Hades II est en quelque sorte parvenu à me faire oublier qu’il était un rogue-lite. En prenant le temps de vérifier tout ce que le hub central propose de nouveau à chaque fois, d’investir des ressources et de dialoguer avec chaque PNJ, puis de me préparer à une nouvelle descente aux enfers (ou à une toute autre trajectoire, mais on n’en dira pas plus), une routine désarmante de spontanéité et de fluidité s’est installée, au point de ne plus voir le temps passer. Ça tombe bien, l’objectif final, c’est de le tuer, et c’est juré : un jour, Cronos tombera.

Le verdict
On a aimé
- Tout simplement divin sur l’aspect artistique (graphismes et bande originale)
- Un gameplay à la profondeur phénoménale qui se renouvelle constamment
- Narration progressive dont il est passionnant de débloquer tous les arcs
On a moins aimé
- Malgré tout, toujours ce sentiment de « recommencer de zéro »
- L’aspect aléatoire peut être très frustrant sur certaines runs
- Essayer de trouver un troisième point négatif quand il n’y en a pas
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