En tout début d’année, nous rapportions que CBS Studios et Paramount Pictures avaient décidé de porter plainte contre le projet d’un film de fans basé sur l’univers de Star Trek, Axanar. Le projet avait réuni plus d’un million de dollars de dons de la part des internautes qui rêvaient de le voir sortir après la publication en 2014 d’un « prélude » prometteur, mais les détenteurs des licences Star Trek n’entendent pas laisser faire une telle concurrence sauvage, fut-elle l’œuvre d’amateurs éclairés. D’autant moins alors qu’une nouvelle série TV Star Trek est en cours de production et sortira l’an prochain.
Dans une interview, un responsable de CBS avait promis que les studios se battraient jusqu’au bout pour interdire Axanar, et c’est effectivement ce qu’ils font. Ainsi Hollywood Reporter rapporte que CBS et Paramount ont répondu aux demandes des avocats d’Axanar, qui exigeaient que les studios se montrent plus précis sur les éléments copyrightés que leur œuvre, qui n’existe pas encore, copie dans l’univers protégé de Star Trek.
La plainte amendée, que l’on peut lire ici (.pdf), comporte donc un tableau, visible à partir de la page 10, qui compare l’ensemble des éléments déjà utilisés dans le « prélude », qui violent les droits d’auteur exclusifs de CBS et Paramount Pictures. À gauche, le prélude. À droite, les droits détenus.
On y voit ainsi CBS et Paramount réclamer l’exclusivité de personnages vus dans la série TV ou leur novélisation :
De costumes :
De caractéristiques physiques propres à des espèces fictives (en l’espèce, l’oreille pointue et les sourcils relevés des Vulcans) :
De planètes :
De vaisseaux :
De logos :
De concepts pseudo-scientifiques de science-fiction (ici, le « Warp drive » qui permettrait de voyager plus vite que la lumière, ce qui inspire jusqu’à la Nasa) :
Le klingon est-il vraiment une langue sous copyright ?
Dans leur plainte, les studios demandent même à ce que soit respectée l’exclusivité…. du langage Klingon.
Inventée pour les besoins de la série TV, la langue de Qo’NoS créée par Mark Okrand est devenue une culture à part entière sur Internet et dans les cercles de fans, avec par exemple une encyclopédie collaborative en Klingon (l’édition spéciale de Wikipédia a été fermée), des cours donnés aux États-Unis, un Klingon Language Institute de plus de 2500 membres (qui a lui-même dû obtenir les droits auprès de Paramount), des guides de prononciation, un groupe de rock qui ne chante qu’en klingon,…
La langue Klingon est même disponible comme interface sur Google, ou comme langue de traduction dans Bing (mais là encore, « en partenariat avec CBS, Paramount et KLI »).
À notre connaissance il n’existe toutefois à ce jour aucun procès qui ait validé l’existence d’un droit d’auteur sur une langue ainsi inventée. Le droit d’auteur est censé protéger une œuvre, reflet de la personnalité de son auteur. Or tout le principe d’une langue est de permettre à la personne qui la parle de refléter sa propre personnalité, de dire ce qu’il veut dire lui-même, et non pas de copier ce qu’a voulu dire l’inventeur de la langue. La langue n’est qu’un outil.
Reconnaître un droit sur le Klingon serait donc comme reconnaître un droit d’auteur sur un langage de programmation. Or nous avons en l’espèce une jurisprudence riche d’enseignements, au moins du point de vue européen. En 2012, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que « ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression ». La Cour a donc explicitement rejeté l’application du droit d’auteur sur un langage de programmation.
Est-ce différent pour un langage de fiction ? Probablement pas. Il répond aux mêmes préoccupations, de trouver une syntaxe cohérente et des règles qui permettent au locuteur de se faire comprendre.
150 000 dollars par élément contrefait
Les plaignants demandent au tribunal d’autoriser des poursuites pénales devant un jury, et rappellent que la loi américaine prévoit « jusqu’à 150 000 dollars de dommages et intérêts punitifs pour chacune des œuvres protégées de Star Trek contrefaite », si l’intention frauduleuse est démontrée — ce qui en l’espèce, pourrait n’être qu’une formalité.
Dans leur plainte, CBS et Paramount listent plus d’une cinquantaine d’éléments « copyrightés » susceptibles de valoir, chacun, 150 000 dollars de dommages et intérêt. Ce qui représenterait des millions d’euros à verser, bien au delà de ce que les producteurs d’Axanar ont obtenu des fans.
Ils demandent que la justice reconnaisse le « risque de dommage irréparable » causé par le projet de long-métrage, et qu’elle ordonne que le projet soit avorté. En outre, ils demandent le retrait de tout projet des producteurs d’Axanar basé sur l’univers de Star Trek. Pour le moment, la production n’a pas réagi sur sa page Facebook et continue de faire comme si le film allait bel et bien être produit et diffusé.
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