Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Le Copyright Madness revient cette semaine sur la statue de La Petite Sirène dans le port de Copenhague, un fan film sur Star Trek en difficulté, l’affaire du Journal d’Anne Frank et l’épilogue manifeste de l’affaire du selfie pris par un singe. Et bien d’autres choses encore. Bonne lecture, et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Petite sirène. Une femme politique danoise a eu la mauvaise surprise de voir Facebook retirer la photo de la célèbre statue de La Petite Sirène située sur un rocher dans le port de Copenhague, en hommage à l’auteur de contes Hans Christian Andersen. La sirène en question a les seins nus et on a pensé que Facebook avait agi en application de la même politique pudibonde qui l’a conduit à supprimer des images du tableau L’origine du Monde de Courbet. Sauf que ce n’est pas le cas : Mark Zuckerberg en personne a précisé que c’est pour une atteinte aux droits d’auteur que la photo a été supprimée. Les descendants du sculpteur exigent en effet un paiement pour toute rediffusion de l’image de la statue. Après ça, comment ne pas voir l’importance de consacrer la liberté de panorama en Europe pour éviter cette censure en ligne des images du patrimoine ?

Berceuse. L’un des héros de la série The Bing Bang Theory s’adoucit lorsqu’on lui chante la berceuse Chaton Tout Doux, adaptée du poème Warm Kitty écrit en 1933. La Warner, qui produit la série, avait pris la précaution de conclure une licence avec un éditeur musical qui affirmait détenir les droits sur l’œuvre. Mais les deux filles de l’auteure du poème original ont resurgi pour attaquer la Warner, en affirmant qu’elles sont les seules détentrices légitimes des droits. La situation est assez délirante avec des problèmes de renouvellement du copyright qui s’entremêlent avec les lois successives qui ont allongé la durée des droits aux États-Unis. Au final, le poème pourrait rester protégé jusqu’en 2032 ! Il faudra peut-être aussi chanter des berceuses apaisantes au juge qui devra trancher cette affaire compliquée…

FanFrictions. Les fans ont le droit d’aimer des films ; on tolère même parfois qu’ils fassent des petites vidéos dans leur garage avec les moyens du bord, mais attention à ne pas aller plus loin ! C’est ce que les porteurs du projet Anaxar risquent d’apprendre à leurs dépends. Ils avaient réussi à lever un million de dollars sur Kickstarter pour réaliser un fanfilm dans l’univers de Star Trek avec des professionnels. Mais CBS et Paramount, qui détiennent les droits sur la franchise, n’ont pas apprécié de voir ces trublions marcher sur les plates-bandes de leur copyright. Ce sera donc pour eux le tribunal et il faudra attendre l’hypothèse lointaine du domaine public pour voir des interprétations de l’univers de Star Trek différentes des productions formatées issues des studios d’Hollywood.

Censure. On savait que le monde de la finance bénéficiait d’un arsenal lui permettant de se protéger et de conserver un certain degré d’opacité. Mais il faut croire que cela ne suffit pas forcément aux banquiers. La Bank of America n’a pas hésité à recourir au DMCA contre un journaliste économique. Ce dernier a simplement envoyé un message sur Twitter témoignant de l’existence d’un document produit par un employé de la Bank of America. Le tweet ne contenant que le nom du rapport et l’objet du contenu. Pour moins de 140 caractères, la banque a prétexté une violation de droit d’auteur et a demandé à Twitter de retirer le tweet. On espère pour le journaliste qu’il n’a pas de compte ouvert dans cette banque sinon gare aux agios !

Trademark Madness

Anne Frank™. Depuis le début de l’année, l’affaire du Journal d’Anne Frank fait les gros titres de la presse. Anne Frank a en effet disparu tragiquement il y a 70 ans dans un camp de concentration et son journal devait logiquement entrer dans le domaine public depuis le 1er janvier. Mais les ayants droit du Fonds Anne Frank ne l’entendent pas ainsi et ils invoquent plusieurs exceptions pour prolonger la durée de protection. Or cette semaine, on a appris que le Fonds était effectivement prêt à aller très loin pour continuer à contrôler le journal. Les ayants droit ont en effet obtenu la validation au niveau européen de la marque Le Journal d’Anne Frank, y compris dans la catégorie des publications. Il est assez choquant de voir le titre d’une telle œuvre devenir une marque de commerce, comme si le journal n’était qu’une sorte de produit dérivé… Et rappelons que contrairement au droit d’auteur qui finit par s’arrêter avec le domaine public, une marque peut rester valide perpétuellement, tant qu’elle est renouvelée.

Super Bad. Un fabricant de vêtements aux États-Unis s’est risqué à sortir un T-Shirt sur lequel on voit un logo en forme de bouclier portant l’inscription « Super Dad ». Cette allusion au costume de Superman n’a pas échappé à DC Comics, qui a traîné l’entreprise au tribunal pour violation de marque. Difficile pourtant de voir comment on pouvait confondre ce cadeau de fête des pères avec une panoplie pour Carnaval ! Le fabricant de vêtements a essayé de se défendre en invoquant son intention de parodier Superman. Mais le juge ne devait pas avoir le sens de l’humour et il l’a condamné sèchement pour contrefaçon. La prochaine fois, il faudra peut-être songer à utiliser de la Kryptonite plutôt que des arguments juridiques !

Patent Madness

Glisse. Après Apple et son brevet sur les angles arrondis et celui sur le pincer-pour-zoomer, Microsoft a déposé un autre brevet extrêmement ridicule. La firme de Richmond considère être propriétaire d’un brevet technologique qui consiste à faire défiler un curseur sur une ligne horizontale pour zoomer. Pour cette brillante idée, l’EFF a décerné son prix du Brevet stupide du mois à Microsoft. Comme l’explique l’article ci-dessous, il faudra ruser pour réussir à implémenter cette fonctionnalité sans recourir à une barre de progression horizontale. Toutefois une question reste sans réponse. Qu’en est-il pour les curseurs du volume sonore ? ;-)

Hygiène féminine. À l’heure des débats sur le taux de TVA réduit pour les produits d’hygiène féminine, l’article qui suit nous révèle un monde inexploré des brevets relatifs aux protections périodiques. Figurez-vous que depuis le milieu des années 50, une foule innombrable de brevets liés aux tampons, serviettes, sous-vêtements, application pour mobile (?!) ont été déposés. Chacun a des fonctionnalités différentes pour un usage qui reste sensiblement le même : absorber le sang pendant les menstruations. Curieusement, bien que ce secteur soit très concurrentiel, il ne semble pas y avoir eu de plainte pour violation de brevet.

Octopussy

CC Jen

Copyright Wisdom

Selfie. 2016 commence bien en matière de sagesse autour de la propriété intellectuelle. Après de multiples renversements dans l’histoire du selfie du singe indonésien, un juge a décidé qu’un animal ne pouvait pas être considéré comme titulaire de droits. C’est une véritable défaite pour l’association de protection des animaux PETA qui se voyait déjà gérer les droits de Naruto et accessoirement empocher l’argent du singe. Espérons que cette affaire soit réellement terminée et qu’on puisse passer à d’autres dérives ! ;-)

New York, New York. Pour trouver du domaine public en liberté, il faut hélas souvent aller voir ailleurs qu’en France. Cela se confirme avec le très beau geste de la New York Public Library, une des plus belles bibliothèques au monde, qui a libéré cette semaine 180 000 images d’œuvres du domaine public numérisées en haute résolution. La bibliothèque autorise et encourage toutes les formes de réutilisation de ces trésors. Elle propose même d’héberger en résidence les porteurs de projets de remix les plus intéressants.

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !


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