Suivre l’avancement des réformes et autres projets gouvernementaux sur un tableau simple et efficace semble évident. Pourtant, cette « app secrète » de « surveillance » ferait « trembler les ministres ». Sensationnalisme ?

Pour certains médias, c’est l’info exclusive qui fait trembler les ministres. Si exclusive que trois confrères sortent en même temps une information selon laquelle le président Macron se sert d’une application pour suivre l’avancement des réformes du gouvernement.

Les tournures des titres vont immédiatement au sensationnalisme technologique : « Macron se dote d’une application pour surveiller le travail de ses ministres », clame Le Figaro ; « L’appli qui fait trembler les ministres: Emmanuel Macron peut mesurer leur efficacité en temps réel », lance BFM ; « Découvrez l’application smartphone secrète qui place les ministres sous la surveillance de l’Elysée », avertit Europe 1. Le cocktail « incompréhension du numérique » est complet : secret, surveillance, application pour smartphone, tremblements…

Tremblez, ministres, le gouvernement découvre Trello // Source : Capture d'écran Europe 1

Tremblez, ministres, le gouvernement découvre Trello

Source : Capture d'écran Europe 1

Une application de suivi des projets : bienvenue en 2019

Bien entendu, quiconque travaille dans une entreprise en 2019 tombe des nues. Ce qui terrorise visiblement la presse et les ministres ressemble à une application de gestion de projet très classique, qui permet de suivre l’avancée d’un chantier. La rédaction de Numerama utilise par exemple l’application secrète qui terrorise les journalistes Trello pour suivre l’avancée des dossiers, reportages, enquêtes et autres articles et piges planifiés pour le week-end. Des tas de concurrents existent, disponibles sur les grands services de gestion d’entreprise comme ce que propose Atlassian, SAP, Microsoft avec 365 Entreprise, Google avec G Suite ou Facebook avec Workplace.

Pour l’observateur habitué à ces outils massivement utilisés en 2019, la titraille fait doucement sourire. D’autant que les articles se fondent apparemment sur des photos floues d’un projet qui ressemble bien plus à une maquette sur du papier qu’à un véritable logiciel. Il est tout à fait possible qu’il existe (Numerama a contacté Thomas Cazenave, responsable du projet pour l’Élysée, et attend ses réponses), mais les documents publiés par la presse ne permettent pas de savoir s’il s’agit d’une application pour smartphone comme c’est évoqué, d’un logiciel ou d’une simple web app.

Vers une version publique de l’app ?

Sur Twitter, le journaliste Tefy Andriamanana rappelle également que ce que fait un gouvernement est public et suivre l’avancée d’un projet de loi ne requière qu’une compétence : faire quelques recherches sur Google pour atteindre les projets sur les sites du gouvernement. Ces données publiques peuvent être ensuite collectées et mises en ordre par un tiers un peu doué et affichées dans un beau tableau de bord qui permettrait aussi de suivre l’avancée d’un projet ministériel.

Plus que le suivi des projets, qui devrait être banal en 2019 pour un gouvernement — d’autant plus un gouvernement qui n’a cessé de mettre en avant sa modernité –, c’est la façon dont le logiciel est utilisé qui aurait dû être le cœur du débat. Le président Macron a en effet, semble-t-il, menacé ses ministres de les « remplacer » s’ils n’avançaient pas sur leurs dossiers. Et l’application de suivi, pour laquelle il a désormais un identifiant, pourrait servir de guide pour juger de la bonne exécution du plan gouvernemental pour les Françaises et les Français.

Bonne technologie, mauvais usage ?

Qu’un président la brandisse comme une menace, cela ressemble à un management à la dure, qui fait peut-être partie de la communication autour de cet événement, plus qu’à un risque technologique. Que le président dispose d’un outil simple et moderne pour suivre d’un œil l’application de ses projets est en revanche on ne peut plus légitime : préférerait-on que tout soit opaque et en retard ?

Et cette transparence, apprend-on, pourrait bientôt être à la portée de tout le monde : le gouvernement aurait pour projet d’ouvrir cette plateforme, si elle était jugée d’intérêt public. Ainsi, Françaises et Français pourraient voir à quel rythme le gouvernement qui a été élu met en place ce qui avait été promis lors des campagnes. Et, peut-être, ajuster son choix aux prochaines élections.

Reste à savoir s’il esrt vraiment réaliste de pouvoir quantifier l’avancée d’un projet de loi ou d’une politique d’une manière aussi précise qu’avec des pourcentages.


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