Tous les moyens ne sont pas bons pour affronter la concurrence. Dans un arrêt du 18 décembre 2014 mis en ligne par Legalis, la cour d'appel de Lyon a condamné une société commerciale qui avait déposé comme marques commerciales les noms de sites internet et de pages Facebook d'un concurrent, pour tenter d'obtenir leur suppression. Avec succès concernant Facebook.
En l'espèce, le conflit opposait deux vendeurs de spiruline, d'un côté un commerçant indépendant, de l'autre la société Spiruline sans frontières (SSF). Cette dernière avait déposé en mars 2013 les marques "Village Spiruline" et "Spiruline de France", deux ans après l'ouverture en 2011 des sites Village-Spiruline.fr et SpirulineFrance.fr par le premier. Elle avait alors demandé à l'AFNIC de rétrocéder à son profit le nom de domaine SpirulineFrance.fr, en se fondant sur la violation de la marque commerciale, et sur une prétendue absence d'intérêt légitime à être titulaire du domaine. Heureusement, l'AFNIC a constaté que le nom de domaine avait précédé le dépôt de marque, et a rejeté la demande de SSF au regard de l'antériorité.
En revanche, Facebook n'a pas eu les mêmes diligences. Dès avril 2013, SSF a demandé à Facebook de bloquer les pages SpirulineFrance et VillageSpiruline de son concurrent, au motif que les droits des marques déposées étaient violés. Malgré l'antériorité et la manoeuvre évidente, Facebook a accepté la requête et notifié au commerçant le blocage de ses pages, en raison d'une "plainte pour infraction à certains droits". Pire, Facebook s'est refusé à les rouvrir sans l'accord du plaignant, obligeant le commerçant à saisir la justice.
FACEBOOK PAS INQUIÉTÉ
Ce n'est que le 19 février 2014 que, contraint et forcé par le tribunal de première instance, SSF a notifié à Facebook le jugement qui déclarait la demande de blocage abusive, et signifié le retrait de sa "plainte". Facebook s'est alors exécuté pour le seul "Village Spiruline", laissant Spiruline France bloqué, peut-être en raison du fait que la page utilisait exclusivement des noms génériques, ce que ses conditions d'utilisation interdisent. SSF s'était en effet fait un plaisir de rappeler cette stipulation au réseau social.
"Il ressort que la société SSF a recouru à des moyens fautifs en déposant des demandes de marques, dans le seul but de nuire à son concurrent, en utilisant les droits en résultant prétendument pour faire obstacle à l’activité de M. C., notamment en obtenant une désactivation de pages Facebook", constate la cour d'appel. "Le blocage des pages Facebook a porté préjudice à M. C., puisqu’il a perdu, pendant presqu’un an, l’exposition dont il bénéficiait jusqu’alors. (…) Il résulte qu’un chiffre d’affaire, et donc une marge, ont été perdus par le blocage des pages Facebook et qu’il est certain que cette circonstance a eu une incidence sur la dégradation, tant du classement dans le moteur de recherches le plus utilisé en France, que de la fréquentation effective du site marchand."
SSF a été condamné à verser 20 000 euros de dommages et intérêts à son concurrent. En revanche, Facebook n'a pas été poursuivi pour son manque de discernement qui a participé à la création du préjudice, et n'a donc pas été condamné. Mais une telle condamnation est difficile à obtenir. En octobre dernier, dans une autre affaire de blocage abusif (qui concernait Plus Belle La Vie), la cour d'appel de Paris a jugé Facebook France inattaquable en France pour les censures abusives subies en France.
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