Dans son rapport annuel 2014, l'Hadopi dévoile que pour la première fois, des procureurs de la République ont choisi de la saisir pour qu'elle envoie des avertissements, plutôt que de lancer une instruction pour des faits de contrefaçon. Une procédure prévue par les textes, qui n'avait encore jamais été appliquée.
 
Voilà qui est paradoxal quand on se souvient que le Conseil constitutionnel avait censuré la première version de la loi Hadopi, au motif que la riposte graduée se passait de l'intervention d'un juge jusqu'à la condamnation. Dans son rapport annuel 2014 (.pdf) rendu public ce mardi, la Haute Autorité révèle que des procureurs de la République lui ont spontanément signalé les cas de 26 internautes pour lesquels ils avaient été saisis.
 
Dans une sorte de front renversé à l'article 40 du code de procédure pénale, la loi Hadopi permet depuis 2009 aux parquets de transmettre à la Haute Autorité les informations dont ils ont connaissance, sur des faits susceptibles de faire l'objet d'envois d'avertissements dans le cadre de la riposte graduée. La procédure est prévue pour permettre aux parquets de botter en touche lorsqu'ils voient arriver sur leurs bureaux des plaintes contre des internautes accusés d'avoir partagé quelques fichiers sur des réseaux P2P. Ils risquent alors trois ans de prison et 300 000 euros d'amende si la plainte en contrefaçon est instruite, contre 1500 euros d'amende pour la contravention de négligence caractérisée, étape ultime de la riposte graduée. Même si les deux infractions sont théoriquement distinctes, dans les faits seule la négligence caractérisée est retenue contre les petits pirates du quotidien.
 
Jusqu'à récemment, la disposition qui permet aux parquets de saisir l'Hadopi n'avait jamais été mise en oeuvre. C'est assez compréhensible, puisque la riposte graduée se base elle-même sur les faits de contrefaçon que l'Hadopi devrait avoir l'obligation de signaler aux parquets, ce qu'elle ne fait jamais. 
 
Mais entre le 30 juin 2013 et le 1er juillet 2014, "des procureurs de la République ont transmis à la Commission (de protection des droits de l'Hadopi) des faits de contrefaçon dont ils avaient été saisis pour qu’elle mette en oeuvre la procédure de réponse graduée", indique la Haute Autorité. Les cas de 26 abonnés à Internet auraient ainsi été signalés par la justice à l'autorité administrative, pour qu'elle agisse en lieu et place des juges.
 
Pas encore de retour à l'envoyeur
 
Les procureurs peuvent "décider de saisir la Commission, s’ils estiment que des avertissements pédagogiques envoyés dans le cadre de la procédure de réponse graduée sont plus adaptés, au vu des faits de contrefaçon commis, qu’une poursuite devant un tribunal correctionnel", explique l'Hadopi.
 
Le procédé est singulier puisque l'Hadopi peut ensuite renvoyer le dossier au procureur pour des poursuites pénales si, après plusieurs avertissements, l'abonné qui lui a été signalé continue de pirater (ou plus exactement, si sa ligne continue d'être utilisé par quelqu'un pour pirater). 
 
Cependant, "aucune des procédures reçues des procureurs de la République n’a ensuite fait l’objet d’une transmission à la justice pour négligence caractérisée", se félicite la Haute Autorité. "La procédure de réponse graduée a jusqu'alors pleinement joué son rôle pédagogique d’alternative aux poursuites".

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