À l'Assemblée nationale, les discussions sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ont notamment porté sur le blocage administratif, qui, s'il est écarté de ce texte législatif, demeure une option tentante pour le gouvernement.

Vendredi soir, l'Assemblée nationale a adopté l'article premier de la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, après avoir pris en compte l'amendement présenté par le gouvernement. Celui-ci confirme l'abandon du filtrage administratif contre les sites liés au proxénétisme, mais impose aux hébergeurs de faire le ménage, sans attendre que les sites dont ils ont connaissance soient déclarés illicites.

De l'(in)efficacité du filtrage

Au cours de la discussion parlementaire, Najat Vallaud-Belkacem est revenue sur les motivations de cet amendement, en pointant "qu'une réflexion est en cours au sein du gouvernement autour de la préparation d’un habeas corpus numérique" après avoir reconnu devant la représentation nationale que le blocage des sites par l’autorité administrative peut "poser problème".

Relatant l'interrogation du gouvernement à propos d'une telle approche, la ministre des droits des femmes a noté que "les proxénètes peuvent dupliquer immédiatement après les sites sur d’autres serveurs" et que, par conséquent, le "signalement des infractions aux autorités sera beaucoup plus efficace que cette mesure de blocage sur laquelle nous ne disposons même pas du recul nécessaire".

Ces décrets d'application qui n'arrivent pas

La ministre fait ici référence aux outils de lutte contre les contenus pédopornographiques qui "n'ont pas encore fait l’objet d’un décret d'application", alors même que ce filtrage sans contrôle judiciaire a été validé par le Conseil constitutionnel. Une situation qui a d'ailleurs agacé passablement le député UDI Charles de Courson, qui a interpellé la ministre pour "savoir dans quel délai […] la situation pourra être débloquée".

"Nous avons déjà voté un texte relatif aux sites pédopornographiques mais les décrets d’application n’ont jamais été pris. Il n’y a pourtant pas d’obstacle constitutionnel puisque la jurisprudence du Conseil constitutionnel accepte le blocage administratif dans des circonstances exceptionnelles, justifiées par un intérêt public – et nous avons de bonnes chances d’entrer dans ce cadre".

Considérant que les Sages ne s'opposeraient pas au filtrage sans contrôle judiciaire pour les sites liés au proxénétisme, Charles de Courson a demandé à savoir quand le "texte permettant d’appliquer ce système de blocage" sera disponible. "Là est la vraie question ; sinon, nous avons tendance à nous faire plaisir en votant des textes qui ne sont toujours pas appliqués trois ans plus tard".

L'Habeas Corpus du numérique

Profitant de sa prise de parole, Charles de Courson a sollicité la ministre pour savoir ce qu'elle entendait par habeas corpus numérique, qui apparaît dans l'amendement du gouvernement. "Je n’aime pas trop cette expression : l’habeas corpus désigne de le corps humain. Parler d’habeas corpus numérique, c’est un peu trafiquer mots", dira-t-il.

Ainsi, la ministre a précisé le calendrier, à défaut de préciser son contenu. La loi "est prévue en 2014", une fois que le groupe de travail sur la cybercriminalité aura rendu ses conclusions en janvier prochain. "Mais nous n’attendrons pas nécessairement son adoption pour extraire des préconisations du groupe de travail précité certains dispositifs qui nous sembleraient pertinents".

Lors du séminaire du gouvernement sur le numérique, la treizième mesure arrêtée par l'exécutif porte sur une loi dédiée à la protection des droits et des libertés numériques. Il est notamment question d'un "contrôle indépendant […] pour les mesures administratives de coupure ou de filtrage". La CNIL est évoquée pour tenir ce rôle de vérification de la légalité et la proportionnalité des demandes de blocage de sites et contenus.

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