Parce qu’il a usé de ses droits d’auteur sur un jeu vidéo pour faire supprimer par YouTube une critique féroce, l’éditeur Wild Game Studio a vu son jeu Day One : Garry’s Incident descendu par les internautes sur Metacritic. L’auteur de la vidéo, TotalBiscuit, demande quant à lui à Google de prendre mieux la défense de la liberté d’expression, en refusant ce type de censure.

Voilà qui devrait servir de leçon à méditer pour tous les professionnels tentés d’exploiter le droit d’auteur à des fins de censure (ce qui est malheureusement une fréquente habitude). Le 25 septembre dernier, Wild Games Studio a sorti sur Steam son jeu Day One : Garry’s Incident, un FPS dans lequel le joueur incarne un pilote victime d’un crash d’avion en pleine Amazonie, qui doit trouver de la nourriture, fabriquer ses armes et progressivement découvrir des technologies d’une étrange civilisation pour survivre. Le descriptif est alléchant, mais la réalisation est paraît-il nullissime.

C’est en tout cas l’avis tranché qu’a exprimé John Bain, un Youtuber britannique très populaire connu sous le pseudonyme TotalBiscuit, qui avait publié sur YouTube une critique à la fois dure et drôle du jeu vidéo. Pendant 21 minutes de session de jeu, le critique qui compte 1,3 million d’abonnés à sa chaîne YouTube descend tous les éléments du jeu, du gameplay aux graphismes, sans concession. « C’est la définition de l’épouvantable« , concluait-il dans sa vidéo qui, selon Torrentfreak, apparaissait en tête des résultats de recherche, grâce à son succès.

En réaction, l’éditeur Wild Games Studio qui avait offert à TotalBiscuit une clé Steam pour lui permettre de faire une vidéo du jeu, a fait retirer la vidéo de YouTube au nom d’une prétendue violation de ses droits d’auteur. « Nous avons protégé notre droit d’auteur parce que Total Biscuit n’a aucun droit de gagner des revenus publicitaires avec notre licence« , a assumé le directeur du studio sur les forums de Steam. La vidéo n’est plus visible sur YouTube, mais elle existe toujours sur Dailymotion, reprise par un autre internaute qui bénéficie lui-même des publicités :

https://www.dailymotion.com/embed/video/x15fmac?foreground=E8D9AC&highlight=FFF6D9&background=493D27

« Je demande à Google de prendre position »

Après avoir tenté de raisonner l’éditeur, en vain, TotalBiscuit a décidé de lancer une contre-offensive avec une nouvelle vidéo de 14 minutes, dans laquelle il explique l’affaire et ses conséquences sur la liberté d’expression et de critique s’il n’y a pas de réaction de la part des internautes… et de Google. 

« YouTube veut être pris au sérieux. Très bien. Nous sommes là pour produire des vidéos de qualité que les gens veulent regarder« , rappelle le critique de jeux vidéo. Mais « je demande à Google de prendre position contre la censure, comme ils l’ont fait par le passé, et de regarder de près leur implémentation du Digital Millennium Copyright Act (DMCA), pour voir comment elle peut être améliorée« .

Cette vidéo a déjà été vue plus de 2,7 millions de fois, et TotalBiscuit prévient que tous les bénéfices générés par elle seront reversés à l’Electronic Frontier Foundation (EFF) :

https://youtube.com/watch?v=QfgoDDh4kE0%3Ffeature%3Dplayer_detailpage

Prenant l’affaire au sérieux, les internautes ont fait payer à Wild Games Studio sa critique du jeu vidéo. Le score Metacritic de Day One : Garry’s Incident, qui permet aux joueurs d’avoir une idée assez précise de la qualité du jeu qu’ils s’apprêtent à acheter, a été flinguée par plus d’un millier de très mauvaises notes accordées par les internautes solidaires de TotalBiscuit. Actuellement, sa note moyenn est de 0,5 sur 10.

Le mal est fait pour Wild Game Studios, qui s’est tout de même fendu d’un mot d’excuses, en persistant cependant dans l’explication fumeuse d’un retrait exigé pour la seule raison que TotalBiscuit gagnerait de l’argent avec les publicités affichées sur ses vidéos. « La monétisation n’était pas mentionnée dans nos communications et c’était une erreur de notre part de ne pas avoir clarifié cela. C’est pour ce fait particulier que Wild Game Studios avait demandé le retrait de la vidéo« , assure l’éditeur canadien. Or il ne pouvait pas ignorer que TotalBiscuit était un testeur professionnel, qui vit des publicités affichées sur ces vidéos. Par ailleurs bien d’autres vidéos du jeu, également monétisées, n’ont pas connu le même sort.

« Après que la vidéo a été rendue indisponible, nous avons pris au sérieux la réaction de la communauté concernant la liberté d’expression« , affirme le studio.

« Nous croyons fermement dans la liberté d’expression des gens et des médias, et avons retiré notre réclamation de protection des droits d’auteur (auprès de YouTube)« .

« Wild Game Studio n’a pas eu l’intention d’empêcher quiconque d’utiliser ses droits à la liberté d’expression. Pour cette raison, Wild Game Studio présente ses sincères excuses à TotalBiscuit et à tous ceux qui ont ressenti que leur liberté d’expression était refusée« .


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