Lundi, un tribunal fédéral américain a déclaré coupable le fondateur du site de liens BitTorrent IsoHunt.com, accusé par l’industrie du cinéma d’encourager ses utilisateurs à violer les droits d’auteur. Le juge a estimé qu’un simple jugement en référé était nécessaire, compte tenu de la similarité de l’affaire avec celles qui avaient abouti aux condamnations de Grokster, Napster et Usenet.
Pour réclamer un procès en bonne et due forme, IsoHunt avait argué que la technologie employée, BitTorrent, était différente des technologies employées dans les affaires citées en référence, et qu’il n’avait aucun contrôle sur la distribution des fichiers. Mais pour le tribunal, BitTorrent n’est « rien d’autre que du vieux vin dans une nouvelle bouteille« . Le fait que les utilisateurs se connectent sur IsoHunt plutôt que sur le réseau P2P et qu’ils téléchargent un fichier .torrent plutôt que le contenu visé n’est pas pertinent dans l’analyse juridique, a estimé le juge.
« Ces détails techniques sont, en leur sein, impossible à distinguer des technologies précédentes« , note le jugement. « En fait, la technologie du défendeur semble améliorer les technologies précédentes en permettant des téléchargements plus rapides de gros fichiers tels que des films. Une telle amélioration accroît de manière plutôt évidente la possibilité de violer des droits d’auteur« .
Peut-être l’avis du juge aurait-il été différent si IsoHunt était resté parfaitement neutre vis à vis des contenus et de sa communication auprès des utilisateurs. Or le jugement note toute une série d’arguments qui démontrent la volonté d’inciter à violer des droits d’auteur, ce qui avait été le critère posé par la Cour Suprême dans l’affaire Grokster. Le site proposait une fonctionnalité « Box Office Movies » qui listait et détaillait les 20 films qui avaient le plus de succès en salle. Les utilisateurs pouvaient alors facilement y associer des fichiers .torrent pour télécharger lesdits films. La fonction a été supprimée, mais les pages créées jusque là sont restées.
Le juge note aussi l’organisation du site en catégories qui permettent de trouver facilement les fichiers, la création de fiches descriptives qui laissent aucun doute sur la nature des fichiers proposés, ou encore l’existence de classements des fichiers les plus populaires (« Top 20 Movies »). « Le fait que ces listes contiennent presque exclusivement des œuvres protégées par le droit d’auteur et que le défendeur n’a jamais supprimé ces listes prouve que le défendeur avait connaissance de l’infraction continue aux droits d’auteur et qu’il n’a pas fait le nécessaire pour cesser ces infractions« , reproche le juge.
Parmi d’autres éléments, le jugement note qu’IsoHunt encourage publiquement ses membres à utiliser PeerGuardian, un logiciel qui permet de filtrer les adresses IP pour éviter de communiquer avec des chasseurs de pirates, et donc pour limiter les risques de se faire prendre en cas de téléchargement illégal (en 2007, une étude avait démontré que 15 % des connexions étaient bloquées par PeerGuardian).
Fung n’a jamais caché ses idées en matière de piratage, et régulièrement apporté son aide sur les forums auprès d’utilisateurs qui ne savaient pas comment télécharger ou utiliser tel ou tel fichier contrefait. Le juge a aussi remarqué que les noms des « titres honorifiques » accordés aux utilisateurs les plus actifs étaient des plus explicites : « I Pir4te, therefore I am » (« Je pirate, donc je suis »), « All Day I Dream About W4rez » (« Toute la journée je rêve de warez »)…
C’est donc tout un faisceau d’indices qui a permis à l’accusation de démontrer l’existence d’une volonté manifeste d’encourager les utilisateurs d’IsoHunt à télécharger des fichiers piratés. Le juge n’a eu qu’à appliquer les critères de Grokster et à reconnaître la culpabilité de Gary Fung (des critères qui sont aujourd’hui repris partout dans le monde, y compris en France). Sa peine ne sera connue qu’en début d’année.
Reste à voir, en pratique, l’incidence du jugement américain sur un site basé au Canada. Gary Fung devrait en tout état de cause interjeter appel de la décision, et livrer un combat au Canada lors d’un procès entamé par la CRIA, l’association canadienne des maisons de disques.
Il a de toute façon déjà préparé la relève, avec la sortie de son nouveau site Hexagon.cc qui permet à des communautés privées de s’échanger des fichiers.
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