Le gouvernement néerlandais a livré à son Parlement un message appelant à ne pas sacrifier la sécurité des communications sur l’autel de la sécurité nationale. Le chiffrement est un droit de l’homme qui doit être sauvegardé, dans l’intérêt-même du pays.

Alors que le débat sur le droit au chiffrement fait rage actuellement, les Pays-Bas ont livré une réponse sans ambiguïté en faveur de la sécurisation des communications, qui doit rester prioritaire même dans un contexte sécuritaire. Dans une réponse adressée au Parlement, le ministère de la Justice néerlandais a fait savoir lundi qu’il était contre toute mesure législative qui viserait à affaiblir le chiffrement.

Le gouvernement des Pays-Bas se montre ainsi en opposition à la Grande-Bretagne, dont le premier ministre David Cameron soutient un projet de loi qui interdirait de fournir des outils de communication chiffrés qui ne soient pas déchiffrables par l’État, directement ou par l’intermédiaire des fournisseurs des moyens de communication.

Ard Van der Steur, ministre de la Justice des Pays-Bas

Ard Van der Steur, ministre de la Justice des Pays-Bas

Dans son message à la chambre basse du Parlement, le ministère de la Justice des Pays-Bas reconnaît que le chiffrement est un handicap pour les services de renseignement, comme pour les enquêteurs de la police judiciaire, et qu’il est de plus en plus fréquent que même les fournisseurs des outils de communication ne disposent pas de la clé permettant de déchiffrer les messages. Mais il rappelle que le chiffrement est et doit être reconnu comme un droit de l’homme, parce qu’il est consubstantiel de la liberté de communication.

Un droit fondamental au chiffrement

Comme l’avait rappelé un rapport de l’ONU de mai 2015, la liberté de communiquer ne peut être exercée pleinement que si l’on a confiance dans la confidentialité des échanges. Un doute sur cette confidentialité induit une retenue sur ce que l’on peut se dire, et donc sur la liberté de communication. C’est vrai pour les terroristes qui ne sont pas libres de se communiquer des projets d’attentats, mais c’est vrai aussi et surtout pour l’ensemble des citoyens et des entreprises qui doivent pouvoir s’échanger leurs opinions (notamment dissidentes) ou leurs secrets industriels sans crainte d’être écoutés.

« La protection des droits fondamentaux est applicable au monde numérique », rappelle le ministre néerlandais Ard Van der Steur, qui souligne que toute restriction à ces droits n’est permise par le droit international que si elle proportionnée à l’objectif poursuivi. Or « à l’heure actuelle, il n’existe pas de moyens génériques, par exemple grâce à des normes, d’affaiblir des produits de chiffrement sans pour autant affaiblir la sécurité des systèmes numériques qui utilisent du chiffrement ».

Le gouvernement néerlandais reprend ainsi l’ensemble des arguments d’Apple, qui s’opposent à ceux de Blackberry dans le débat sur le droit au chiffrement de bout en bout.

Affaiblir le chiffrement pourrait avoir des conséquences indésirables

« Par exemple, en ajoutant un [backdoor] qui puisse être exploité par les autorités de poursuite, les fichiers chiffrés deviendraient vulnérables aux criminels, terroristes et services de renseignement étrangers. Cela pourrait avoir des conséquences indésirables pour la sécurité des informations stockées et communiquées, et pour l’intégrité des systèmes de TIC, qui sont de plus en plus importants pour le fonctionnement de la société », explique le ministère.

Dès lors, parce que « le gouvernement reconnaît l’importance d’un chiffrement fort pour la sécurité sur Internet, pour soutenir la protection de la vie privée, pour la communication confidentielle des entreprises et du gouvernement, et pour l’économie néerlandaise », le ministère estime que « actuellement, il ne convient pas d’adopter des mesures juridiques restrictives à l’encontre du développement, de la disponibilité et de l’utilisation du chiffrement aux Pays-Bas ».

En fin d’année dernière, le Parlement néerlandais avait voté des crédits en faveur du financement du chiffrement, pour aider à sécuriser des implémentations de protocoles SSL très usités.

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