"Internet n'est pas indispensable au bien-être minimal", se justifie le directeur général de la Fédération Française des Télécoms (FFT), pour s'opposer à une mesure projetée par le gouvernement qui obligerait les FAI à maintenir un accès minimal à internet en cas d'impayés. Numericable-SFR s'est toutefois démarqué de la FFT dont il est membre.

Faut-il que l'accès à Internet soit considéré comme un droit de l'homme ? La question se pose en 2015 à l'heure où Internet est utilisé pour s'informer, rechercher du travail, communiquer avec ses amis, sa famille, s'éduquer, réaliser des démarches administratives, etc. Mais paradoxalement, ce sont les FAI qui refusent de voir Internet s'élever au rang de droit fondamental. 

Le projet de loi numérique d'Axelle Lemaire, dont NextInpact a publié une version préparatoire, prévoit en effet d'amender l'article L115-3 du code de l'action sociale et des familles pour imposer que les fournisseurs d'accès à internet se soumettent au même régime que les fournisseurs d'eau ou d'énergie lorsque leurs factures ne sont pas payées.

Le texte vise à imposer qu'en cas d'impayé, les FAI maintiennent au minimum "la fourniture d'un service d'accès à internet restreint". Les opérateurs pourront opérer une réduction des débits ou des volumes de données, et devront maintenir l'accès à un service de courriels. Mais ils ne pourront plus couper l'accès à internet, considéré comme un "service essentiel", jusqu'à ce qu'une demande d'aide ait été traitée et rejetée par le fonds de solidarité pour le logement.

Il s'agit d'une véritable mesure de gauche, ce qui est suffisamment rare pour être souligné, mais dont les FAI ne veulent pas entendre parler. "Nous ne sommes pas dans le même cas de figure que le gaz ou l'eau. Internet n'est pas indispensable au bien-être minimal", défend ainsi Yves Le Moüel, le directeur général de la Fédération Française des Télécoms (FFT), dans L'Express. Son organisation regroupe notamment Orange, Bouygues Telecom, et Numericable-SFR (qui s'est toutefois distancé de cette position).

NUMERICABLE-SFR EN DÉSACCORD

La question du statut de l'accès à internet dans l'échelle des droits s'était posée lors de l'examen de la loi Hadopi par le Conseil constitutionnel, qui prévoyait de confier à l'administration le pouvoir d'ordonner la coupure de l'accès aux abonnés dont la ligne est utilisée pour pirater des oeuvres. Les sages avaient conclu qu'internet était devenu une liberté fondamentale qui ne peut être restreinte par les pouvoirs publics sans le contrôle d'un juge judiciaire. "Internet est une composante de la liberté d'expression et de consommation", avait précisé le Conseil.

Avant lui, le Rapporteur spécial de l'ONU pour la liberté d'expression avait expliqué que "couper des utilisateurs de l'accès à Internet, quelle que soit la justification avancée, (…) est disproportionné et donc contraire". Or, les FAI, comme toutes entreprises, ont l'obligation de respecter les droits fondamentaux et sont donc théoriquement déjà obligés de conserver un accès minimal le temps de trouver une solution prenant en compte leurs propres intérêts.

C'est d'ailleurs la position de Numericable-SFR qui, peut-être de façon inattendue, se fait le bon élève de l'humanité et marque son désaccord. Le câblo-opérateur a passé des contrats cadres avec les bailleurs sociaux pour fournir l'accès à internet à un "tarif social" de 4 euros par mois, et le service reste accessible en cas d'impayé.


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