Le gouvernement souhaite imposer des sujets à l’ordre du jour de l’Arcep, et se faire représenter par un commissaire au sein de l’Autorité de régulation des télécoms, qui est en principe indépendante.

Dans le cadre du projet de loi d’habilitation à transposer le paquet télécom par ordonnance, Le ministre de l’économie numérique Eric Besson devrait défendre au Parlement un amendement qui, s’il est adopté, mettra fin à l’indépendance de l’ARCEP. Le texte dispose en effet qu’un « commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, nommé par les ministres chargés des communications électroniques et des postes, fait connaître les analyses du Gouvernement« .

Or même s’il « se retire lors des délibérations de l’autorité« , l’émissaire du gouvernement pèsera de tout son poids sur les débats. Il pourra même imposer que certains points soient discutés par l’Arcep. « Il peut faire inscrire à l’ordre du jour de la commission toute question intéressant la politique en matière postale ou de communications électroniques ou entrant dans les compétences de l’autorité. L’examen de cette question ne peut être refusé« , dit l’amendement.

D’autorité administrative indépendante, l’Arcep deviendra ainsi une administration sous tutelle. Une situation inacceptable pour son président Jean-Ludovic Silicani, qui évoque le risque d’une « confusion des intérêts de l’Etat régulateur et de l’Etat tuteur ou actionnaire« . Ces missions doivent selon lui « demeurer soigneusement séparées sauf à porter atteinte à la crédibilité du régulateur comme du gouvernement« .

Dans un communiqué relayé par l’ARCEP elle-même (ambiance), l’eurodéputée socialiste Catherine Trautmann « s’indigne de cette proposition qu’elle considère comme une remise en cause inacceptable de l’indépendance de l’Autorité ».

« Le gouvernement français s’est exprimé à l’échelle de l’Europe en faveur du paquet télécommunications et s’est engagé par cela à renforcer et à respecter l’indépendance des régulateurs de communications électroniques« , rappelle-t-elle. « Cela rappelle le nouveau mode de désignation du Président de France Télévisions. Ce nouvel épisode s’ajoutant à la longue liste des lois Hadopi et Loppsi, comment, dans ces conditions, ne pas y voir une manœuvre politique traduisant une volonté de contrôle du secteur des médias et des télécommunications… Je rappelle au gouvernement français que le respect des libertés et des droits fondamentaux n’est pas une donnée négociable et que celui-ci exige l’existence d’entités impartiales et indépendantes« .

Son de cloche légèrement différent chez le député socialiste Christian Paul, qui voit dans l’arrivée d’un commissaire de gouvernement à l’Arcep la tentative de reprendre en main des dossiers qui lui échappent, et d’affaiblir davantage encore le Parlement. L’UMP a en effet présenté hier un amendement adopté en Commission des Affaires Socialistes, qui confie à l’Arcep le soin de réguler la neutralité des réseaux, sans l’inscrire en dur dans la loi. « Dans un État de droit, il appartient au Parlement de fixer les principes sur un sujet qui va conditionner le futur de l’Internet, considéré par le conseil constitutionnel comme un droit fondamental« , estime M. Paul. « C’est au terme d’un débat démocratique, mené en transparence, que de telles règles doivent être adoptées et non dans le huis clos du collège d’une autorité indépendante quelques soient ses qualités« .

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