Annoncée il y a un an, la création de tribunaux spécialisés en région pour traiter les milliers de dossiers d’amendes ou de suspension d’accès à Internet des abonnés avertis par l’Hadopi n’est plus à l’ordre du jour, a-t-on appris aujourd’hui.

L’édifice de la riposte graduée est encore un peu plus fragilisé. On savait déjà par des bruits de couloirs que le ministère du budget voyait d’un mauvais oeil les dépenses engendrées par la riposte graduée. Mais cette fois c’est le ministère de la Justice qui semble mettre le pied sur le frein, et confirmer que la riposte graduée restera très exceptionnelle dans son volet sanctions.

Lorsque le gouvernement avait imaginé la riposte graduée sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, on se souvient qu’il avait d’abord été prévu que les sanctions de suspension de l’accès à Internet soient prononcées par l’Hadopi elle-même. Finalement, devant l’irrespect manifeste des libertés fondamentales et des droits de la défense, le Conseil constitutionnel avait obligé le ministère de la Culture à revoir sa copie et à se rapprocher du ministère de la Justice pour faire entrer les tribunaux dans la boucle.

Alors ministre de la Culture, Christine Albanel avait immédiatement annoncé son intention de compléter la loi, ce qui fut fait par la loi Hadopi 2 qui a créé l’infraction pénale de négligence caractérisée et donné à la Commission de Protection des Droits (CPD) de la Haute Autorité la faculté de transmettre ses dossiers au parquet. Pour ne pas engorger le tribunal de grande instance de Paris, Christine Albanel s’était mise d’accord avec Rachida Dati pour annoncer le 11 juin 2009 la création de neuf TGI en région spécialisés dans les dossiers transmis par l’Hadopi.

Michèle Alliot-Marie est arrivée fin juin 2009 au ministère de la Justice, et visiblement le discours a changé depuis. Alors qu’elle était chargée de défendre la loi Hadopi 2, elle avait doctement rappelé à l’Assemblée Nationale que « l’étude d’impact estime le nombre annuel de cas à 50 000 environ, pour lesquels il est prévu de disposer de 12 emplois à plein temps de magistrats du siège, 14 de magistrats du parquet et 83 de fonctionnaires« . Mais contacté par Numerama, le cabinet du ministère de la Justice nous indique ce mardi qu’il n’est plus envisagé de créer des tribunaux spéciaux pour traiter les dossiers transmis par la CPD au parquet.

Assez curieusement, en réécrivant l’histoire, le porte-parole adjoint du ministère de la Justice nous a expliqué que la création des tribunaux avait été envisagée avec la loi Hadopi 1, mais que la loi Hadopi 2 avait changé la donne. Alors que c’est bien justement la loi Hadopi 2 qui avait rendu nécessaire la création de tribunaux chargés de traiter les milliers de dossiers d’infractions qui étaient alors promis par Christine Albanel. Il nous a cependant confirmé que seul le Parquet du Tribunal de Grande Instance de Paris serait saisi par l’Hadopi, ce qui limitera nécessairement le nombre de dossiers humainement traitables.

Il faut dire en outre que l’Hadopi n’est pas très populaire auprès des magistrats. Dès l’annonce de la création de neuf TGI spécialisés, l’Union Syndicale de la Magistrature (USM) avait dénoncé un « coût considérable« . « A moins de recruter massivement, je ne vois pas comment il serait possible de passer par des juges« , avait expliqué Laurent Bedouet, le secrétaire général de l’USM, qui reprochait à Mme Albanel de faire « de l’affichage« .

Un an plus tard, rien n’a changé. Interrogé par Le Télégramme, le même Laurent Bedouet dit qu’il sera impossible de traiter des milliers de cas par an. La Justice « ne le pourra pas« , tranche-t-il. « Non seulement aucun moyen supplémentaire ne nous a été accordé mais on va nous en enlever! Cette loi est tout simplement une loi de communication, virtuelle, inapplicable. Des mots, rien que des mots« .

Combien de temps faudra-t-il aux internautes pour réaliser que dans son fusil, l’Hadopi n’a qu’un chargeur vide ?

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