En condamnant Dailymotion pour contrefaçon parce qu’il a laissé les utilisateurs uploader des vidéos qui avaient d’abord été signalées puis retirées une première fois, le tribunal de grande instance de Paris a posé mercredi les bases d’une obligation de filtrage à l’égard des plateformes de partage de vidéos en ligne.

Mise à jour 16 avril : Selon des documents publiés par Ecrans, les documentaires qui ont donné lieu à condamnation avaient été vus 8326 fois. Ce qui fait un total de 9,60 euro de dédommagement par visionnage. Un bon business model.

Le tribunal de grande instance de Paris a condamné mercredi la plateforme de vidéo en ligne Dailymotion à verser un total de 80.000 euros de dommages et intérêts à la société Zadig Productions et aux auteurs réalisateurs Jean-Robert Viallet et Mathieu Verboud (50.000 euros pour le producteur, 10.000 pour chaque réalisateur, et 10.000 pour les frais de justice). Les demandeurs avaient constaté en 2006 et 2007 que le site français mettait à disposition des internautes deux de leurs documentaires, « Les enfants perdus de Tranquility Bay » et « Une femme à abattre », sans autorisation.

Les plaignants avaient décidé de porter plainte après que les vidéos, d’abord retirées par Dailymotion, ont été à nouveau mises en ligne par des utilisateurs. Mais selon l’AFP, la 3ème chambre civile du TGI de Paris a refusé de considérer que Dailymotion agissait en tant que service de vidéo à la demande, ce qui l’exposait à des sanctions plus lourdes, estimant que la société agissait en tant que simple « hébergeur de contenus« , dont le régime de responsabilité est limité par la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

Le tribunal a noté que le rôle de Dailymotion dans la diffusion des deux documentaires se limitait « à la fourniture d’une technologie de stockage et de visionnage de vidéos, permettant leur mise en ligne à la seule initiative des utilisateurs du site, qui en conservent la totale maîtrise« . Mais il a estimé que le site de partage de vidéos n’a pas « pas mis en œuvre tous les moyens nécessaires en vue d’éviter les nouvelles diffusions » des contenus qui avaient « déjà été signalés comme illicites« .

En pratique, le jugement reconnaît une obligation de moyens pour les plateformes de partage de vidéos, qui doivent mettre en œuvre des moyens de filtrage pour tous les contenus qui leur ont été déjà signalés et qu’ils ont déjà retirés. C’est une sorte de riposte graduée adaptée au web 2.0 : d’abord l’avertissement, ensuite la sanction en cas de récidive.

Pour éviter la sanction, les plateformes devront donc démontrer qu’elles ont mis en œuvre tous les moyens de l’état de l’art pour éviter de nouvelles infractions sur les mêmes contenus. Chose que Dailymotion a déjà anticipé en signant par exemple un accord avec l’INA, qui couvre certains contenus identifiés à la volée lors de l’upload.

En 2007, Zadid Productions et les deux réalisateurs avaient déjà fait condamner Google Video sur les mêmes fondements. Le tribunal avait alors accordé un total de 30.000 euros de dédommagement.

Sauf erreur de notre part, la condamnation prononcée ce mercredi contre Dailymotion est la plus lourde jamais prononcée en France contre un site de partage de vidéos.


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