Selon des bruits de couloirs, que l’absence de transparence dans le processus de négociation empêche de vérifier, l’ACTA pourrait finalement faire l’impasse sur la responsabilité des hébergeurs et des fournisseurs d’accès à Internet.

C’est un des points en suspens qui restent les plus critiqués dans l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) actuellement négocié par les Etats-Unis, l’Europe, le Japon et quelques autres puissances industrielles. Selon Malini Aisola, une activiste de l’organisation Knowledge Ecology International (KEI) qui milite contre l’accord international, les négociateurs auraient accepté de lâcher du leste sur la responsabilité civile imposée aux intermédiaires techniques en cas de piratage sur Internet. Si l’information se vérifiait, ce serait une avancée considérable, après l’abandon de la riposte graduée gravée dans le marbre.

« Les négociateurs de l’ACTA adoptent apparemment une nouvelle approche pour le Chapitre Internet. Ils ont proposé de supprimer toute référence explicite à la responsabilité secondaire« , écrit-elle sur Twitter.

Outre la riposte graduée et la protection des DRM, largement amputés dans le texte publié en début d’année, l’ACTA prévoyait de sanctionner toute personne qui « autorise », « induit » ou « facilite » la violation de droits d’auteur sur Internet. Il s’agissait pour les Etats-Unis d’étendre au niveau mondial le raisonnement tenu par leur Cour Suprême dans l’affaire Grokster, qui a fixé les critères de responsabilité des éditeurs de logiciels de P2P.

Le texte d’étape diffusé après le round de négociation de Wellington, en avril dernier, démontrait par ailleurs la volonté d’obliger les FAI et les hébergeurs à « adopte[r] et mett[re] en place de manière raisonnable une politique pour répondre au stockage non autorisé ou à la transmission de contenus protégés par le droit d’auteur ou des droits voisins« .

Beaucoup craignaient que l’accord remette en cause le principe de subsidiarité présent à la fois aux Etats-Unis avec le DMCA et en Europe avec la directive sur le commerce électronique, transposée en France par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Le principe veut que la responsabilité du FAI ne puisse être engagée en cas d’inaction qu’après celle de l’hébergeur, elle-même engagée après celle de l’auteur de l’infraction. C’est ce principe protecteur de la liberté d’expression et de communication qui évite que les hébergeurs et fournisseurs d’accès s’obligent à censurer par eux-mêmes, par précaution, des contenus dont l’illégalité n’a pas encore été vérifiée par un juge.

Avant de crier victoire, il faudra cependant attendre confirmation. La décision de garder secret le texte issu des négociations de Washington n’est pas encourageante.

Cependant, les pays du Nord sont pressés de parvenir à un accord final, qu’ils pourraient signer dès le mois prochain. Tous les points qui font polémique pourraient donc disparaître. Car l’essentiel est ailleurs. Il est de créer au plus vite un nouvel instrument international de renforcement de la propriété intellectuelle, pour contrer les vues plus libérales portées par l’Inde, la Chine ou la Brésil.

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