Négocié depuis deux ans, l’Accord de Commerce Anti-Contrefaçon (ACTA) est toujours étrangement protégé de tout regard extérieur. Si 42 organisations et industriels ont eu accès aux documents de travail, c’est uniquement sous la condition de s’engager à n’en rien divulguer.

En mai 2008, le monde a découvert grâce à une fuite qu’un nouveau traité sur la lutte contre la contrefaçon initié en 2007 par les Etats-Unis était négocié en toute confidentialité avec des délégations de la Commission européenne, du Japon et de la Suisse. L’Accord de Commerce Anti-Contrefaçon (ACTA) doit devenir le premier grand texte sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle depuis les accords de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle de 1996, qui ont abouti à la directive européenne sur le droit d’auteur de 2001 puis sur la en France sur la loi DADVSI.

L’ACTA poursuit une longue tradition qui confisque aux parlementaires nationaux le droit de décider eux-mêmes du niveau de protection qu’ils souhaitent accorder dans leur pays à la propriété intellectuelle, et qui leur donne simplement l’obligation politique de ratifier les accords négociés au plus haut niveau par les diplomates, avec différents lobbys.

Le Parlement Européen et différentes organisations de défense des intérêts publics dont l’EFF et Knowledge Economy réclament depuis des mois la publication des documents relatifs aux négociations, sans succès. Il leur est rétorqué que les documents sont classés « dans l’intérêt de la sécurité nationale« , sous l’Executive Order 12958 de 1995. C’est-à-dire ce qu’on appelle en France « Secret Défense ».

Finalement, la soupape s’ouvre légèrement. Comme le rapporte Libération, le bureau du Représentant américain au commerce a accepté d’ouvrir la consultation à 42 organisations et personnalités, pour la plupart des industriels, mais aussi des collectifs de défense des droits civils. Mais sous la condition qu’ils signent au préalable un accord de non-divulgation, qui leur interdit de parler des négociations et surtout de ce que contient le traité.

Même la liste des personnalités invitées à consulter le texte sous ces conditions draconniènes devait être gardée secrète, toujours pour des motifs fallacieux de sécurité nationale. Elle a en fait été révélée par KEI, qui a entamé une procédure pour en avoir connaissance. Parmi ceux qui ont eu accès aux documents figurent ainsi la Business Software Alliance, Google, eBay, Verizon, Intel, News Corp, Sony Pictures, Time Warner, la MPAA, la RIAA, et divers autres groupes de protection de la propriété intellectuelle. Trois membres de Public Knownledge, un membre du Centre pour la Démocratie et la Technologie, et un membre de l’Association des industries de l’Electronique Grand Public figurent également dans la liste.

Mais pourquoi le public dans son ensemble, directement concerné par les lois qui découleront du traité, et plus largement les députés qui devront ratifier le traité en droit national, n’ont-ils pas accès aux documents de négociation ? Que contient ce traité qui justifie sa protection par le secret défense ? Ca n’a aucun sens, si ce n’est d’éviter un débat « trop public » qui donnerait du poids aux contestations des internautes.

D’ailleurs, les méthodes rappellent celles critiquées par Free pour la mission Olivennes. Les 42 chanceux ne peuvent pas repartir avec les documents, mais simplement les consulter dans des réunions.

Les négociations reprendront à Séoul, en Corée du Sud, du 4 au 6 novembre prochain.

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