Pour cette rentrée, Numerama vous propose une nouvelle série d’articles pour découvrir la culture coréenne. Depuis Séoul, Ophélie Surcouf vous fera voyager entre les séries, le cinéma et la technologie de ce pays aussi méconnu que passionnant. Et nous commençons par un guide sur un pan essentiel de la Corée du Sud : les dramas.

Et si je vous disais Corée du Sud ?

Vous êtes d’abord pris d’une irrésistible envie de sautiller sur place, les poignets croisés devant vous sur le refrain de Gangnam Style de Psy. Presque simultanément, le visage porcin de Kim Jong-un, le moqué mais redouté dirigeant de la Corée du Nord, fait une brève apparition dans votre esprit. Puis, un grand nombre d’entre vous tendent la main vers leur smartphone Samsung (s’il n’a pas explosé). Peut-être même que le mot K-pop vous revient en mémoire ou que le goût si unique du kimchi, le chou fermenté à la coréenne, se rappelle à vos papilles.

En France, la culture de la Corée du Sud est souvent méconnue au profit de celle du Japon et de ses mangas ou de celle de la Chine. Pourtant, elle n’a rien à voir avec celle de ses voisins sur lesquels elle exerce même une influence de plus en plus grande. Mais alors comment découvrir ce qui se passe dans ce petit pays, devenu en moins de 50 ans l’une des plus grandes puissances mondiales ?

Réponse : en regardant ses séries télévisées.

Un peu comme les séries US ont longtemps été l’écho du rêve américain, le rêve coréen se propage dans toute l’Asie (et surtout en Chine). Il s’appelle Hallyu, la « vague » coréenne, et emporte tout sur son passage. Les séries coréennes, communément appelées « dramas » sont avant tout commerciales : nourriture, lieux touristiques, placements de produit… tout y passe.

On y retrouve donc le plus souvent le même scénario de base : une comédie romantique à la sauce Cendrillon ou Roméo et Juliette. Les acteurs sont alternativement choisis pour leur beauté et leur popularité… ou leur talent. Mais un peu comme avec toutes les séries dans le monde, l’univers des dramas regorge d’excellente surprises – voire de chef d’œuvres. À condition de savoir où chercher. Cela tombe bien, on est là pour ça.

Le rêve coréen se propage dans toute l’Asie

Nous avons sélectionné pour vous les 5 meilleurs dramas pour mieux comprendre la culture coréenne et se lancer dans l’aventure. Mais avant de démarrer votre marathon, trois choses importants sont à savoir :

  1. Le nom « drama » ne signifie pas que tout va finir en larmes, en suicides et en morts tragiques. Les premières séries coréennes étaient effectivement des mélodrames où frère et sœurs étaient séparés à la naissance, se retrouvaient 20 ans plus tard, tombaient amoureux avant de découvrir leur lien incestueux. Mais depuis la fin des années 1990, « dramas » n’est plus qu’un terme générique qui n’a plus rien à voir avec leur contenu. Il en existe aujourd’hui pour tous les goûts : comédie, thriller, policier, héroic-fantasy, historique, romantique, sitcom…
  2. La réalisation peut souvent sembler un peu simpliste (champ/contre-champ), mais gardez à l’esprit que les épisodes sont tournés d’une semaine sur l’autre. À savoir deux heures de show qui doivent être jouées, tournées, montées en 7 jours seulement. Cela s’appelle le live shooting, et lorsqu’un faux raccord vous agace, souvenez-vous que Sherlock prend 3 ans à sortir ses trois épisodes d’une heure trente.
  3. L’histoire peut mettre un certain nombre d’épisodes à vraiment démarrer – même si le drama ne fait que 16 ou 20 épisodes. Règle numéro 1 : n’abandonnez jamais avant l’épisode 6. Si au huitième vous n’êtes en revanche toujours pas emballé, il est probablement plus sûr d’en essayer un autre.

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Dream High : découvrez la K-Pop avec une série

Période de diffusion : 03 janvier 2011 – 28 février 2011
Épisodes :
 16 (60 min)

C’est ironique que le tube interplanétaire Gangnam Style ait promu la K-Pop. Avec ses couleur sur-saturées, sa chorégraphie centrale, ses paroles répétitives, Psy voulait se moquer de la jeunesse riche du luxueux quartier Gangnam… et de la K-Pop.

Il faut dire que les chanteurs, danseurs et musiciens de K-Pop ne sont pas tant des artistes que des produits soigneusement markétés — il y aurait un article complet à écrire sur le sujet pour éviter toute généralisation, tant le problème est complexe. Leur vie personnelle fait partie du contrat qu’ils signent avec les grandes maisons de production et leur image est contrôlée à chaque instant. Leur fans peuvent ainsi les « aimer » et nourrir des fantasmes sur leurs idoles.

Dream High permet de comprendre ce que signifie la K-Pop

Sorte de Fame à la coréenne, Dream High permet de comprendre ce que signifie la K-Pop pour les Coréens. Il pousse également à la reconsidérer : l’important n’est pas la musique (souvent répétitive et très codifiée), mais l’émotion qu’elle suscite. L’héroïne, Go Hye Mi, la méprise d’ailleurs au début du drama : elle ne rêve que d’aller chanter de l’opéra en Amérique. Mais, accablée de dettes, elle se retrouve de manière assez improbable à devoir intégrer une école réservée aux futurs artistes de K-Pop. Les deux autres héros viennent de milieux modestes et, encore une fois à travers la K-Pop, voient la possibilité de réaliser leur rêve de vivre de la musique. Entre comédie romantique et musicale, Dream High a l’avantage d’avoir une bande son qui, pour les plus réticents à tenter l’aventure, n’est pas désagréable à l’oreille.

Vous pourrez regarder Dream High en streaming à cette adresse.

Misaeng : pourquoi les Coréens boivent-ils autant ?

Période de diffusion : 17 octobre 2014 – 20 décembre 2014
Épisodes : 20 (80 min)

Pas plus tard qu’hier à Séoul, je suis passée devant un jeune Coréen allongé en plein milieu du trottoir à 23 heures. Il avait l’air à moitié mort et un collègue guettait un taxi à côté de lui. Personne ne leur prêtait attention, et tout le monde continuait sa route sans s’inquiéter. C’est, en fait, une situation plutôt normale.

Boire en Corée n’est pas un plaisir, il s’agit presque d’une obligation sociale. On goûte d’ailleurs rarement l’alcool : la tradition est de boire le soju en shots (alcool entre 15 et 20 degrés qui coûte à peu près un euros). En termes de goût, il s’agit plus ou moins de vodka de mauvaise qualité coupée à l’eau… Car en Corée, l’important n’est pas l’alcool mais l’effet qu’il provoque.

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Comment est-ce que l’alcoolisme est devenu aussi banal dans l’ensemble du pays ? L’une des raisons se trouve probablement dans le rythme de vie coréen. Les Coréens vivent « palli palli » (vite, vite). Ils se lèvent à l’aube le matin et ne vont se coucher que lorsqu’il fait nuit noire. Généralement, ils commencent à boire vers 18 h et peuvent arrêter au petit jour. S’ils sortent autant, c’est par obligation professionnelle – les dîners après le travail sont un must. Et ce n’est pas une légende : les Coréens ont une relation spéciale au travail qui est un véritable problème social qui ressort beaucoup dans la culture cinématographique (regardez le récent Dernier train pour Busan pour vous en convaincre). Il n’est pas rare qu’un actif détériore sa santé à la tâche, travaillant même quand il est malade, sans week-end.

Et pour comprendre cette culture, Misaeng a eu un succès sans précédent en Corée. Bien que le drama soit diffusé sur le câble, le nombre de spectateurs a battu tous les records de la chaîne. Le public a majoritairement entre 20 et 35 ans et s’identifie au personnage principal : Jang Geu-Rae. Celui-ci n’a que le bac en poche, aucune expérience professionnelle et ne maîtrise aucune langue étrangère car plutôt que d’aller à l’université, il a tenté de devenir joueur de go professionnel. Mais après son échec, il doit trouver du travail : une connaissance le parachute comme stagiaire dans une grande compagnie. Le drama raconte sa vie dans l’entreprise et celle de trois autres internes, parmi lesquels se trouve notamment une jeune femme extrêmement brillante reléguée au café par ses collègues misogynes.

Le drama raconte la vie d’un stagiaire, joueur de go déchu

Préservé des restrictions de ton et d’ambiance imposées par les grandes chaînes publiques, Misaeng a pu dessiner le portrait glacial de la vraie Corée. Le drama le fait souvent par allusions, mais le message est clair et les acteurs donnent une très grande richesse à leurs personnages. Malgré l’ambiance un peu lourde des premiers épisodes, accrochez-vous. Vous en ressortirez avec la sensation d’un peu mieux comprendre comment la Corée a pu devenir une puissance mondiale en l’espace de cinquante ans… et étrangement plein d’optimisme.

Une critique du Koreajoongangdaily vous permettra de comprendre un peu plus le succès de cette série.

My Love From Another Star : comment la Corée aime les histoires d’amour

Diffusion : 18 décembre 2013 – 27 février 2014
Épisodes : 21 (70 min)

My Love From Another Star raconte l’histoire d’un alien coincé sur terre depuis 400 ans. Trois mois avant que le vaisseau qui peut le ramener chez lui arrive sur terre, il devient voisin avec Cheong Song Yi, la plus grande actrice du pays. Romance, magie, cadavres et références à E.T. s’ensuivent.

Le scénario de My Love From Another Star est très représentatif du goût coréen en matière de love story (pas forcément mieux que le nôtre, notez) : improbable, plein de coïncidences tirées par les cheveux, niais sur les bords… Pourtant la recette fonctionne. Le drama est même assez réaliste – si un alien plus ou moins immortel avait débarqué il y a 400 ans et avait aujourd’hui une histoire d’amour avec une célébrité un peu excentrique, cela pourrait se passer comme cela (extrapolons).

Improbable, plein de coïncidences tirées par les cheveux, niais sur les bords

C’est l’étrange magie des dramas coréens : aborder des problèmes très terre à terre avec des situations abracadabrantes. Le succès international du drama en est la preuve. Il a connu un véritable carton en Corée, bien sûr, mais aussi aux Philippines et surtout en Chine. Les produits de beauté utilisés par l’héroïne étaient en rupture de stock les lendemains de diffusion des épisodes. Les restaurants de « chicken & beer » (poulet frit et bière), le repas préféré de l’héroïne, se sont exportés en Asie et sont devenus un véritable phénomène social…

À venir en novembre prochain : Legend of the Blue Sea. De la même scénariste que My Love From Another Star, il reprendra la même actrice principale, Jeon Ji Hyun pour jouer avec Lee Min Ho, l’acteur le plus populaire de Corée. Un projet qui pourrait surpasser le succès de la série actuelle.

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The Princess’ Man : c’était comment, le Moyen-Âge en Corée ?

Période de diffusion : 20 juillet 2011 – 06 octobre 2011
Épisodes :
 24 (60 min)

L’histoire médiévale et moderne de la Corée est divisée en trois périodes : Shilla (57-935 après JC), Koryeo (918 – 1392) et Choseon (1392-1910). Il est donc difficile de recommander un seul drama historique car tous couvrent des périodes très différentes et racontent chacun leur pan de l’histoire. Pendant l’époque Koryeo, la Corée est alternativement une nation indépendante et un pays sous tutelle chinoise – ce qui explique  les traces omniprésentes de la culture chinoise en Corée, notamment dans le langage ou dans les temples ou les palais par exemple.

Parmi les meilleurs dramas historiques, Six Flying Dragons et Tree with Deep Roots racontent le passage de la dynastie Koryeo à la dynastie Choseon – l’une des périodes les plus complexes de l’histoire coréenne – avec brio. Mais leur longueur de 50 épisodes d’une heure chacun peut être assez dissuasive pour une première expérience.

The Princess’ Man, déroule une très belle fresque de l’époque Choseon

The Princess’ Man est un peu plus court et, une fois passés les premiers épisodes introductifs, déroule une très belle fresque de l’époque Choseon. Il raconte la prise de pouvoir du Roi Sejo qui malgré une ascension sanglante au pouvoir est réputé comme l’un des meilleurs monarques de l’histoire de Corée.

Le héros, Kim Seung Yo, est le fils du général Kim Jong Seo, le premier ministre (grand personnage historique et opposant du roi Sejo). L’héroïne est la fille du grand prince Suyang, le futur roi Sejo. Sur fond de romance à la Roméo et Juliette, le drama raconte la vengeance de Kim Seung Yo dont la famille entière a été assassinée par Suyang. Il permet aussi de mieux comprendre qui se partageait le pouvoir à cette époque : les gisaengs (prostituées) ont par exemple beaucoup d’importance. Un titre ne protège personne, car une fois capturé, n’importe qui peut devenir esclave. Le langage est lui aussi restitué même si les scénaristes laissent toujours échapper des anachronismes. Mais ce n’est pas bien grave.

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Gaksital : pourquoi les Coréens ne sont pas super potes avec les Japonais

Période de diffusion : 30 mai – 06 septembre 2012
Épisodes :
 28 (70 min)

Un peu comme les Français et les Anglais, les Coréens et les Japonais aiment bien plaisanter sur le fait qu’ils se détestent. À ceci près que leur passé commun marqué par la guerre et l’oppression est bien plus récent.

En 1910, le Japon annexe la Corée mais cela fait déjà plusieurs dizaines d’années qu’il lui impose ses règles, ses us et ses coutumes. Jusqu’en 1945, le Japon puise dans les ressources coréennes, assèche le pays et exerce une main de fer sur le pouvoir. Ce n’est qu’à la fin de la Seconde guerre mondiale qu’un traité de reddition est signé… La Corée est alors divisée en deux : moitié URSS, moitié États-Unis. La colonisation japonaise résonne encore très fort en Corée du Sud. Bien plus que la guerre civile avec la Corée du Nord, ce sont les années d’oppression par le Japon que l’on enseigne sur les bancs des collèges et des lycées. Dans l’actualité, la question sordide des « femmes de réconforts » — comprendre forcées à la prostitution — données aux soldats japonais à cette époque continue de mettre de l’huile sur le feu dans les relations diplomatiques entre les deux pays.

La colonisation japonaise résonne encore très fort en Corée du Sud

Un drama comme Gaksital (Bridal Mask de son nom « anglais ») était donc un pari risqué. Il se déroule en plein milieu des années 1930, pendant la montée en puissance de la résistance. Il raconte l’histoire de Lee Kang To, un fils de résistant vu comme un traître pactisant avec les Japonais. Face aux accusations lancées au Japon et aux scènes de torture du scénario, la plupart des acteurs courtisés pour le rôle principal de la série ont refusé le projet car il était trop dangereux pour leur image. C’est donc Joo Won, à l’époque quasi-inconnu, qui décroche le rôle. Le succès du drama est tel qu’il obtient une extension de quatre épisodes pendant sa diffusion.

Et comme Gaksital date du printemps 2012… point bonus à ceux qui réussiront à apercevoir le discret anachronisme en référence à Gangnam Style !

Où peut-on regarder des drama ?

Last but not least, l’épineuse question de la diffusion légale de la culture revient quand on parle drama. Cela dit, même si les services n’ont pas pignon sur rue et ne sont pas idéaux, ils ont le mérite d’exister : Viki (vostfr), MyAsianTV (vostanglais), Dramapassion (vostfr) et Gong TV (vostfr) devraient vous permettre de trouver votre bonheur.

Source : Montage Numerama

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