Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Le Copyright Madness revient cette semaine sur les contrariétés de l’EFF et de Chelsea Manning, la bataille sur l’appropriation du terme Hobbit, un conflit entre deux sociétés de production d’effets spéciaux et le revers subi par Coca Cola. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Mauvaise impression. Le droit d’auteur peut vraiment être invoqué pour tout et n’importe quoi, comme si c’était une sorte de joker absolu ! Cette semaine, c’est Chelsea Manning qui en a fait les frais. Une personne souhaitait apporter son soutien au lanceur d’alerte, qui purge une peine de 35 ans dans une prison militaire pour avoir transmis à WikiLeaks des tonnes de documents classifiés. Cette personne a cherché à envoyer une série d’articles à propos des droits des prisonniers, publiés en ligne par l’EFF, une association américaine de défense des libertés. Or l’administration pénitentiaire a bloqué ce courrier, en prétextant que la reproduction de ces articles constituait une violation du copyright… Cette affirmation est déjà risible en elle-même, mais elle le devient encore plus quand on sait que le site d’EFF est sous licence Creative Commons !

Main à la poche. La compagnie Disney est bien connue pour son lobbying acharné en faveur du renforcement du droit d’auteur. On lui doit déjà dans les années 90 le « Mickey Mouse Act » qui avait allongé la durée du copyright aux États-Unis pour empêcher sa petite souris fétiche d’entrer dans le domaine public. En ce moment, Disney met tout son poids dans la balance pour soutenir le traité TPP (TransPacific Partnership) qui cherche à durcir les règles du copyright dans toute l’aire Pacifique, en les alignant sur les standards américains. Or pour financer son action de lobbying, on a appris que Disney va jusqu’à demander à ses employés… de mettre la main à la poche ! Le site Ars Technica révèle en effet un courrier envoyé par la firme à ses salariés qui les invite à faire un don en faveur de DisneyPAC, la cellule de lobbying de l’entreprise. Comme si un géant comme Disney n’avait pas déjà des moyens énormes pour influencer les politiques, sans aller taper ses salariés…

Parcours du combattant. Semaine après semaine, nous détaillons dans cette chronique les dérapages du système Content ID, qui exerce une surveillance automatique sur YouTube pour empêcher les infractions au droit d’auteur. Cette semaine, un youtubeur raconte le calvaire qu’il a subi pour faire valoir ses droits et renverser une sanction injustifiée infligée par ce Robocopyright. Il avait en effet utilisé dans une de ses vidéos une musique de fond, après l’avoir achetée auprès d’un service de fourniture de pistes sonores. Quelques mois plus tard, il recevait une notification lui indiquant qu’il violait les droits du producteur SM Entertainement, un groupe coréen spécialisé dans la K-Pop. En regardant de quoi il s’agissait, le youtubeur s’est rendu compte que la musique qu’il avait achetée avait aussi été recyclée par ce producteur dans un morceau d’un de ses groupes. Il n’en a pas fallu davantage pour que le robot détecte une ressemblance et croit voir une violation de copyright ! Le youtubeur se bat depuis un an sans succès pour faire reconnaître cette erreur et en attendant, SM Entertainement maintient sa plainte et récupère toute la monétisation liée à sa chaîne. Bienvenue dans un monde de justice robotisée…

Trademark Madness

Hobbit. Stuart et Elise Whittaker sont un couple d’entrepreneurs anglais, spécialisés dans l’import de vin. Ils ont une particularité : leur différence de taille. Madame est très grande alors que Monsieur est petit. Du coup, l’idée leur est venue d’appeler leur entreprise « Giraffe and Hobbit », en référence aux semi-hommes de l’univers de Tolkien. Original, mais surtout dangereux ! En effet, les ayants droit de l’auteur du Seigneur des Anneaux ont déposé des marques sur de nombreux termes tirés de l’univers de la Terre du Milieu. Ils accusent donc nos deux entrepreneurs de contrefaire la marque « Hobbit » qu’ils détiennent. Ceux-ci se défendent en faisant remarquer que la confusion avec les livres ou les films de la saga est impossible. Et de plus, Tolkien n’a pas inventé le terme « Hobbit », dont l’usage était déjà attesté avant lui pour décrire des créatures féériques. Est-ce que les ayants droit iront un jour jusqu’à revendiquer une marque sur les mots elfe, anneau, épée ou dragon ?

Patent madness

Écran noir. Peut-être qu’un jour, un studio de cinéma décidera de faire un film à propos de la guerre des brevets… En attendant, les conflits autour de la propriété des inventions commencent à rejaillir sur des films à gros budget. Deux sociétés, l’une américaine et l’autre chinoise, se disputent en effet en justice la technologie Mova, qui permet de créer des animations de personnages. La société chinoise a utilisé ces procédés pour travailler sur des films comme Maléfique, X-Men : Days of Future Past, Pixels ou plus récemment Deadpool. Or son homologue américaine l’accuse d’avoir violé des brevets qu’elle détient et il semblerait bien qu’elle ait raison. Du coup, la diffusion du film Deadpool actuellement à l’affiche, pourrait être menacée, car la plainte en justice s’accompagne d’une demande de cessation d’exploitation. Quand on sait la place que prennent les effets spéciaux aujourd’hui, on peut sérieusement s’inquiéter pour l’avenir du cinéma si ce genre de conflits se multiplient !

Copyright Wisdom

In the bottle. Coca Cola a subi un revers important cette semaine. La société ne pourra pas en effet revendiquer une marque sur la forme de ses bouteilles et canettes en Europe. On sait qu’une grande part du succès de la firme tient au marketing associé à la forme si particulière de la bouteille originale de Coca Cola, reconnue comme une marque aux USA depuis les années 60. Mais avec le temps ce design s’est épuré et l’office européen a estimé qu’il n’était plus assez distinctif pour se démarquer de ses concurrents. Il reste à Coca Cola la possibilité de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne, mais la société risque de s’y casser les dents puisqu’elle a elle-même dilué la forme de sa bouteille au fil du temps.

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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