On parle déjà de le faire passer à la trappe. Le projet de loi Hadopi, qui doit installer la Haute autorité chargée de mettre en oeuvre la riposte graduée, est officiellement reporté à début juin alors qu’il est toujours sous l’examen du Conseil d’Etat. Mais presque tous les signaux semblent être passés au rouge, et l’on voit mal aujourd’hui comment cette « DADVSI 2 » pourrait être adoptée.

Le journal Les Echos confirme aujourd’hui les informations que nous avions relayées au début du mois. « L’examen en Conseil des ministres du projet de loi Olivennes sur la lutte contre le piratage a été reporté à début juin« , écrit Pierre de Gasquet. Il confirme également que « les lois répressives n’ont pas la cote par ces temps d’impopularité« , et donc que la loi Hadopi qui doit installer la riposte graduée est bien actuellement otage de l’impopularité de Nicolas Sarkozy. Même les éditeurs de films et de disques reconnaissent désormais que la Haute autorité de diffusion des œuvres et de protection des droits sur Internet (Hadopi) ne verra pas le jour au mieux avant la fin de l’année. En étant optimiste.

Le journal libéral se demande si la loi que souhaite à tout prix faire passer Christine Albanel n’est pas le reflet d’un « combat d’arrière-garde« . Il rappelle que le Parlement européen a désavoué la riposte graduée le 10 avril dernier en la jugeant disproportionnée et contraire aux droits de l’Homme. « Comme pour les OGM, la lutte contre le piratage sera un vrai test de cohérence et de courage politiques« , écrit le journaliste. Le comparaison n’est pas exagérée. Le député centriste Jean-Christophe Lagarde le reconnaissait lui-même récemment au micro de France Info, dans l’émission Parlons Net animée par David Abiker.

Commentant le non-vote des députés UMP sur le projet de loi OGM, le Vice-Président du Nouveau Centre a indiqué qu »il y a une gêne manifeste, comme quand dans la mandature précédente il y avait eu la volonté du gouvernement de légiférer sur les téléchargements sur Internet« . Rien ne garantit aujourd’hui que la majorité rebelle ne va pas encore traîner les pieds lorsqu’il faudra voter la loi Hadopi, d’autant que depuis 2006 l’idée de la licence globale a encore gagné du terrain.

Quels effets attendus ?

Le Point s’interroge aussi sur la pertinence d’un projet de loi qui constitue « un changement de philosophie radical par rapport au texte voté » en 2006. A l’époque, il s’agissait de s’en prendre au téléchargeur. Aujourd’hui, on veut s’en prendre à celui qui est le titulaire de l’abonnement à Internet qui a servi à télécharger. L’hebdomadaire rappelle par ailleurs les propos étranges de la commissaire européen Viviane Redding, qui regrette que « la France est le seul pays à soutenir la Commission européenne dans sa volonté d’obliger les FAI à avertir les abonnés en cas d’infraction au droit d’auteur et à soumettre l’attribution des licences de FAI au respect du droit d’auteur« . Si la France est le seul, c’est bien que tous les autres sont contre. Et s’ils sont contre, c’est sans doute qu’il y a un soupçon de vérité dans les motifs de leur opposition. C’est l’obstination de la France et de la Commission qui sont à regretter.

Par ailleurs, alors que les Echos citent l’ancien patron de la Fnac Denis Olivennes qui indiquait que « 70 % des pirates arrêtent de télécharger dès la première alerte, 80 % à la seconde« , Le Point affirme sans rougir que « 90 à 95 % des infractions cessent après ces deux avertissements« . Les différences de chiffres montre le peu de crédit que l’on peut leur accorder.

Le premier ministre britannique Benjamin Disraeli disait : « Il existe trois sortes de mensonges : le simple mensonge, le fieffé mensonge, et la statistique« .

Mais peu importe. Admettons que 95 % des internautes qui reçoivent un deuxième avertissement arrêtent de télécharger. La mesure est-elle efficace et proportionnée pour autant, avec quelques milliers de cas traitables dans l’année par la Haute Autorité, contre quelques millions de P2Pistes qui ne recevront jamais le moindre avertissement ?


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