Certes, tout le monde le savait déjà depuis longtemps. Mais c’est la première fois qu’un tribunal le dit très officiellement. Le tribunal d’instance d’Helsinki a en effet jugé que la protection CSS qui est censée empêcher la copie des DVD n’est pas efficace. Derrière l’évidence, c’est tout un ensemble législatif qui pourrait s’effondrer. Explications.

Une décision du tribunal d’Helsinki (voir aussi PC Inpact) vient de mettre un grand coup dans l’édifice législatif créé en Europe pour protéger les DRM. Les juges ont en effet appliqué de façon très restrictive les termes de la directive européenne sur les droit d’auteurs et les droits voisins de 2001 (EUCD), qui protège uniquement les DRM réputés « efficaces ».

Jusqu’à présent, la doctrine européenne avait toujours eu une interprétation très large de la notion d’efficacité, qui est d’ailleurs définie non moins largement dans la directive. L’article 6.3 du texte européen dispose en effet que « les mesures techniques sont réputées efficaces lorsque l’utilisation d’une œuvre protégée (…) est contrôlée par les titulaires du droit grâce à l’application d’un code d’accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage […] ou d’un mécanisme de contrôle de copie qui atteint cet objectif de protection« . Dans toutes les transpositions, y compris françaises, la notion d’efficacité ne semble pas regardée du côté du résultat mais des moyens. Il suffirait que l’intention de protéger soit matérialisée par une mesure technique pour que son « efficacité » soit réputée présente.

Or le tribunal d’Helsinki s’est laissé convaincre par deux experts dépêchés à la barre par des opposants aux DRM qui s’étaient « portés prisonniers » en Finlande (ils avaient à dessein monter un site fin 2005 qui proposait des outils de copies de DVD). « Puisqu’un hacker norvégien a réussi à contourner la protection CSS utilisée sur les DVD en 1999, les utilisateurs finaux ont eu la possibilité d’obtenir facilement des dizaines de logiciels de contournement similaires sur Internet, même gratuitement« , note la décision nordique. Pour cette simple raison pragmatique, « la protection CSS ne peut plus être considérée ‘efficace’ au sens de la loi« , conclue le tribunal, qui a donc relaxé les prévenus de l’ensemble des charges.

Si la décision semble raisonnable au sens de la logique, ses implications pourraient être considérables si elle était confirmée par les cours supérieures. Elle pourrait d’abord avoir un impact direct sur les systèmes de protection employés sur les DVD de nouvelle génération, les Blu-Ray et HD-DVD, qui ont déjà été contournés depuis le début de l’année. S’ils sont « inefficaces », les systèmes de protection ne sont pas protégés par la loi et il n’est donc pas interdit de les contourner ou de fournir les outils qui permettent de les contourner.

De plus, la décision qui s’applique à un texte d’origine européenne pourrait trouver écho dans l’ensemble des juridictions étatiques d’Europe, y compris en France. Les juges pourraient en effet être tentés de s’en inspirer pour justifier des décisions de relaxe dans des affaires où le droit d’auteur semble souvent écraser le justiciable.

Enfin, la décision pourrait avoir un effet pervers dans l’interprétation de la loi. Si le DRM est « inefficace » lorsqu’il a été contourné et que la méthode a été largement diffusée, il devient plus sûr en Europe d’attendre que quelqu’un hors d’Europe contourne les mesures de protection pour ensuite pouvoir commercialiser en masse et en toute impunité les systèmes ainsi créés hors des frontières.

Il fait peu de doutes que la décision sera contredite en appel. Mais la Justice réserve parfois quelques surprises…


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