Mise en ligne sous une licence libre, la copie du dernier roman de Michel Houellebecq a finalement été retirée du blog personnel de Florent Gallaire. Menacé par une action en justice de la part de Flammarion, celui-ci reste convaincu de la pertinence de son raisonnement basé sur le principe de viralité des licences libres.

La pression judiciaire exercée par Flammarion aura finalement atteint son objectif. En ligne depuis le 8 novembre dernier, la copie de La Carte et le Territoire « sous licence libre » a été retirée mercredi du blog personnel de Florent Gallaire. Ce dernier, juriste spécialisé dans le droit numérique, avait considéré que le dernier roman de Michel Houellebecq était une œuvre littéraire libre.

« Sans reconnaître aucun délit et en maintenant totalement la pertinence de mon analyse juridique, j’ai cependant accédé à la demande de Flammarion de retirer du site les liens permettant de télécharger l’œuvre » a-t-il écrit sur son blog. Florent Gallaire avait présenté une réflexion reposant sur la viralité des licences libres et sur l’idée qu’en utilisant des passages de Wikipédia, Michel Houellebecq avait réalisé une œuvre composite.

Actuellement, les articles de Wikipédia sont publiés sous la licence Creative Commons BY-SA. Celle-ci permet la reproduction des textes sous deux conditions : citer la source et partager soi-même la reproduction du texte ou l’œuvre dérivée sous la même licence. En insérant à plusieurs reprises des passages des articles de Wikipédia, Michel Houellebecq a – selon l’analyse de Florent Gallaire – réalisé une œuvre composite.

Celle-ci est définie par la loi comme une « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière« . La loi imposant le respect des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante, La Carte et le Territoire devrait donc mécaniquement respecter la licence Creative Commons BY-SA utilisée par Wikipédia. Et donc partager à l’identique la même licence.

Cette analyse propose néanmoins une lecture particulièrement rigide des droits d’auteur et de leur application. En imposant à Houellebecq, et par conséquent à Flammarion, une licence libre (Creative Commons BY-SA) basé sur le principe absolu de la viralité, c’est finalement défendre une vision intégriste du droit d’auteur, au détriment des droits et de la volonté de l’auteur.

Cette réflexion n’a évidemment pas été soutenue par Flammarion, l’éditeur de Michel Houellebecq. La maison d’édition a expliqué que les passages issus des articles de Wikipédia relevaient de la courte citation, autorisée par la loi à travers l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Or, ce même article impose la présence du nom de l’auteur et la source.

Réagissant à cette affaire, l’association Wikimédia France a estimé mardi que « Michel Houellebecq aurait donc dû, à tout le moins, indiquer soit en bas de page, soit en fin d’ouvrage, que le contenu provenait de l’article X ou Y de Wikipédia, et donner l’URL des articles en question. Cela permet de remonter facilement à la liste des auteurs, accessible par l’onglet historique en haut de chaque article de Wikipédia« .

« Les licences Creative Commons s’appuient sur le droit d’auteur pour donner à chacun la liberté de partager ses productions intellectuelles. Elles ne peuvent en aucun cas servir de prétexte au fait de bafouer le droit moral d’un écrivain. Personne n’a à se faire justice soi-même, nous avons un système judiciaire pour cela » a conclu l’association Wikimédia France.

Un système judiciaire qui devrait être bientôt sollicité, puisque le secrétaire général des éditions Flammarion a expliqué que son groupe « n’a pris aucune décision mais ne s’interdit pas de mener une action pour demander réparation du préjudice subi« .


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