L’Assemblée Nationale a débuté mardi l’examen du projet de loi sur la TV du futur, défendu par Renaud Donnedieu de Vabres. Mais c’est bien une télévision du passé qui est soutenue, au détriment du développement des nouveaux modes d’information et de communication.

Le projet de loi (.pdf) relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur est entré cette semaine en examen dans une certaine indifférence générale. Perçu comme plus technique encore que ne l’était le projet de loi DADVSI, le nouveau texte du ministre de la Culture est au moins aussi politique que le précédent, voire même davantage. Sur le papier, il se contente d’organiser la transition de l’analogique vers le numérique. Il prévoit une extinction totale des signaux traditionnels au 30 novembre 2011, date à laquelle la TNT devra être accessible à 95 % de la population, les 5 % restants étant desservis par voie satellitaire gratuite. Il organise également le cadre de développement de la TVHD (Télévision Haute-Définition) et de la TMP (Télévision Mobile Personnelle).

Il y a d’abord la question de la « chaîne bonus », très critiquée par François Bayrou qui y voit « le favoritisme fait à certaines grandes chaînes ». En contrepartie de l’abandon de l’analogique et des coûts engendrés par le numérique, le gouvernement, dans sa grande bonté, a décidé d’octroyer d’office un canal supplémentaire pour les trois grandes chaînes commerciales françaises : TF1, M6 et Canal Plus. L’octroi d’une « compensation » avait été demandée au gouvernement par le Conseil d’Etat, mais l’ARCEP comme le CSA jugent ces chaînes bonus disproportionnées. Le Parti Socialiste demande l’irrecevabilité du texte et saisira le Conseil Constitutionnel pour qu’il censure cette disposition. L’UDF a annoncé qu’il votera contre le projet de loi.

Et puis il y a surtout la question du « dividende numérique ». En effet, le fait de passer de l’analogique au tout numérique va libérer les bandes hertziennes dites « en or », qui pourront alors être ré-allouées à d’autres applications. Les fréquences libérées, qui ont la particularité d’être particulièrement performantes et de passer plus facilement les cloisons, pourraient être utilisées pour développer les communications et les réseaux sans fil de type WiMax. A l’heure de la VOD (vidéo à la demande), de la téléphonie sur IP, de YouTube et de Joost, faire le choix de la télévision linéaire semble totalement dépassé. Et pourtant c’est bien ce choix vers lequel s’oriente le gouvernement, en prévoyant que « la majorité des fréquences libérées reste affectée aux services audiovisuels ». Avec l’octroi de chaînes bonus et le choix du déploiement de la TNT, on remplace la télévision de papa par la télévision de maman, sans ne rien comprendre à celle du fiston.

Le dividende numérique réparti aux anciens actionnaires

« Alors que de grandes parties du territoire national sont encore des zones de téléphonie mobile dites  » blanches  » (couvertes par aucun opérateur) ou  » grises  » (couvertes par un seul opérateur) et alors que l’Internet haut débit est loin d’être une réalité pour l’ensemble de nos concitoyens, il est inconcevable de gaspiller la précieuse ressource spectrale en chaînes bonus, en échange de bons procédés en pleine campagne présidentielle », a dénoncé hier le socialiste Christian Paul, qui devient un habitué des confrontations avec RDDV.

C’est une certaine neutralité technologique du dividende numérique qu’il fallait sans doute inventer, en profitant du tout-IP induit par les nouvelles techniques d’information et de communication. En ne faisant pas ce choix, le gouvernement intensifie la concentration des médias et laisse les éditeurs de services en position de force. De même, le gouvernement limite sa vision de la télévision aux ondes hertziennes et à la diffusion satellitaire. Le simulcast, qui permet une rediffusion en direct des programmes en clair, n’est pas organisée et rendue opposable pour, entre autres, la TV par ADSL. Les aides à la création audivisuelle restent limité au co-financement par une chaîne de télévision, ce qui limite le développement des autres modes de diffusion audiovisuelle qui se développent à travers les DailyMotion, WAT et autres services dits « Web 2.0 ». La défense de l’exception culturelle, si chère pourtant à Jacques Chirac, n’est pas anticipée dans le projet de loi. Enfin l’interopérabilité est explicitement écartée pour ce qui concerne la TMP, alors que l’emploi de formats ouverts aurait pu être exigée.

Il est donc très marketing mais totalement à côté de la réalité de parler de « Télévision du futur » pour ce projet de loi, qui risque d’ancrer la France dans une vision à l’ORTF des médias, et de condamner le développement des réseaux de communication essentiels à la vraie télévision 2.0 de demain. Encore une fois, comme il l’avait fait pour DADVSI, le gouvernement a pourtant proclamé l’urgence sur ce texte, qui n’a bénéficié d’aucun vrai débat public.


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