Ubisoft tente le pari de l’intelligence artificielle avec Ghostwriter, un outil censé faciliter l’écriture de scénarios. Une aide décrite comme bienvenue, comme outil complémentaire, mais qui pose à nouveau question sur le rôle de plus en plus important des IA.

2023 est assurément l’année des intelligences artificielles. Que ce soit avec ChatGPT, Midjourney ou Bard, les plus grands monstres de l’industrie technologique se sont tous lancés dans une course effrénée pour produire les meilleures IA. Dans le secteur du jeu vidéo, quelques projets autour des IA émergent tout doucement.

On se souvient par exemple des propos de Matt Booty, qui dirige la société Xbox Game Studio. Un nom important dans le monde vidéoludique, qui a aussi et surtout exprimé son souhait de voir un jour des intelligences artificielles être utilisées lors des tests de jeux vidéo.

Du côté d’autres grands noms de l’industrie, la question de l’usage d’IA pour faciliter le développement de jeux vidéos se pose aussi. Une question sur laquelle Ubisoft n’a pas tergiversé longtemps. Dans une vidéo publiée le 21 mars 2023 sur sa chaine Youtube, l’entreprise française a annoncé le développement de Ghostwriter, une IA qui sera capable de créer des dialogues.

Un outil pour seconder les scénaristes d’Ubisoft

Pour justifier cette annonce, Ubisoft explique que Ghostwriter a vocation à soulager les scénaristes d’« une des tâches les plus laborieuses de l’écrivain de jeux vidéo : écrire des barks. Ghostwriter génère efficacement des premiers brouillons de barks — des phrases ou des sons émis par des PNJ lors d’un événement déclenché — ce qui donne aux scénaristes plus de temps pour peaufiner le scénario ».

L’idée est donc de ne pas laisser tout le travail à l’IA. Pour utiliser Ghostwriter, les scénaristes devront d’abord créer un personnage et un type d’interaction ou de déclaration qu’ils aimeraient générer. C’est après ça que l’IA va proposer ensuite un certain nombre de barks que le scénariste pourra ensuite choisir et modifier librement en fonction de ses besoins. 

Illustration de Ghostwriter en activité // Source : Capture d'écran Numerama
Source : Capture d’écran Numerama

Pour affiner les barks générés par Ghostwriter, l’IA va utiliser « la comparaison par paires comme méthode d’évaluation et d’amélioration ». En clair, pour chaque bark potentiel généré, Ghostwriter propose deux choix qui seront comparés et choisis par le scénariste. Une fois l’un sélectionné, l’IA va apprendre du choix préféré. Les milliers de sélections qui seront faites vont ainsi permettre à l’IA d’être plus efficace et précise, tout en reprenant le style des scénaristes.

Des réactions contrastées

Pour Ben Swanson, scientifique en Recherche et en Développement à la Forge Montream et accessoirement créateur de Ghostwriter, l’outil permettra aux scénaristes de « sélectionner et peaufiner les phrases générées ». Nous sommes donc encore loin d’une IA qui va écrire de A à Z le scénario, puisqu’ici, Ghostwriter va seulement proposer des possibilités multiples de barks aux scénaristes, qui auront juste à sélectionner ce qui semble le plus cohérent.

D’ailleurs, les scénaristes d’Ubisoft ont collaboré avec Ben Swanson pour améliorer l’IA. Une manière pour l’éditeur de rappeler que cet outil n’est pas totalement indépendant des actions humaines.

« Embaucher plus de scénaristes »

Dans le milieu tech, cette annonce est accueillie avec inquiétude. Sur les réseaux sociaux, Alanah Pearce, scénariste chez Sony Santa Monica, a fustigé le choix d’Ubisoft. Elle conseille même au studio « d’utiliser le budget nécessaire pour créer ce genre d’outils pour embaucher plus de scénaristes ».

D’autres personnes semblent vouloir donner une chance à Ubisoft, qui a déjà eu recours à l’IA pour créer des cinématiques. C’est le cas de Thomas Méreur, auteur chez ThirdEditions.

Toujours sur son compte Twitter, Thomas Méreur explique que si « cet outil peut sans doute libérer du temps de prod, simplifier des process et permettre aux scénaristes de se concentrer sur des points plus cruciaux et améliorer notre expérience de jeu », il se méfie tout de même « de certains travers qui hantent Ubisoft depuis de nombreuses années, de ce ‘proposer toujours plus’ qui nuit presque systématiquement à la qualité finale de leurs jeux ».

Pour en savoir plus, il faudra donc attendre de voir ce que ça donnera sur les premiers jeux Ubisoft qui utiliseront Ghostwriter. Des jeux dont le développement est aujourd’hui touché par des démissions et des burnouts au sein de l’entreprise.

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