Des sources internes à Warner Bros ont révélé la future politique envisagée par son nouveau président, Toby Emmerich. Il se pourrait que le studio arrête de travailler avec des réalisateurs souhaitant disposer du droit de regard final sur leur film, pour se concentrer encore un peu plus sur les grosses licences.

L’industrie hollywoodienne est en plein chamboulement depuis quelques années. À côté du succès des super franchises de Disney, Marvel et Star Wars en tête, les résultats en demi-teinte de certains projets à gros budget, comme Jupiter’s Ascending ou John Carter, semblent accentuer la frilosité des studios de laisser à des réalisateurs les pleins pouvoirs sur leurs plus grosses productions de l’année.

Les différends créatifs entre metteur en scène et producteur(s) sont de rigueur, comme l’a prouvé l’évincement des réalisateurs du film Han Solo ainsi que les nombreux départs du côté du DC Extended Universe chez Warner.

Warner Bros, justement, a récemment changé de direction, avec la nomination en décembre dernier de Toby Emmerich en tant que président. L’ancien de New Line Cinemas, branche de Warner, prend visiblement beaucoup de temps pour s’installer, restructurer les bureaux ainsi que l’organisation du studio et n’a toujours pas validé de projet en son nom.

La nouvelle direction du géant du divertissement paraît encore assez floue, mais des sources internes se sont exprimées dans les colonnes de The Hollywood Reporter. Elles lèvent le voile sur sa nouvelle stratégie.

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Warner Studio

Adieu les auteurs, priorité aux licences

Celle-ci devrait se concentrer sur les trois licences fortes de Warner — DC Comics, Harry Potter, Lego — réduire les budgets des autres productions et surtout éviter les auteurs-réalisateurs souhaitant disposer du droit de regard final sur leur film (le fameux final cut).

Les sources internes détaillent un peu plus les coulisses de cette transition. Surnommée la « New Line-ization » de Warner, en référence à l’ancienne branche gérée par Emmerich, ce plan de développement miserait donc sur le développement des grosses licences en priorité et lancerait des projets pour lesquels le studio engagerait des réalisateurs « yes-man » afin de les réaliser. En clair, des recrues qui disent oui à tout.

De fait, les réalisateurs souhaitant disposer du contrôle total sur leur œuvre devront aller voir ailleurs, exception faite des auteurs maisons prestigieux que sont Christopher Nolan et Clint Eastwood. Si cette direction se concrétise, il s’agirait d’un retour en arrière assez triste artistiquement parlant.

Batman v Superman, de Zack Snyder (Warner)

Batman v Superman, de Zack Snyder (Warner)

Retour à « l’âge d’or » d’Hollywood

Outre les décisions stratégiques propres à Toby Emmerich, il semblerait que ce cap soit aussi la conséquence du rachat du studio par le géant de la télécom AT&T.  Le premier fournisseur de services téléphoniques des États-Unis a racheté le groupe média Time Warner — qui comprend Warner Bros mais aussi HBO — en octobre 2016 pour la modique somme de 85 milliards de dollars. Une acquisition qui aurait rendu anxieux l’actuel PDG du studio, Kevin Tsujihara, le poussant ainsi à donner plus de pouvoir et de responsabilité à Emmerich. L’objectif de la manœuvre est d’améliorer les performances financières de Warner afin de rassurer ses nouveaux patrons et actionnaires.

Cela devrait concrètement passer par une approche plus commerciale et beaucoup moins artistique des projets validés et envoyés en production, rappelant un petit peu la fin de l’âge d’or du cinéma hollywoodien. À l’époque, les studios produisent des gros films, très couteux et impressionnants, mais aux velléités artistiques assez limitée.

Le problème de final cut — c’est à dire avoir le dernier mot sur le montage de son film — s’est posé à l’époque et l’est encore aujourd’hui. Il faut dire qu’aux États-Unis, les producteurs de cinéma sont souvent les principaux décisionnaires et que les réalisateurs sont fréquemment considérés comme de simples « prestataires » répondant à une commande.

Il aura fallu le Nouvel Hollywood et l’arrivée d’une génération d’artistes — Scorsese, Coppola, Spielberg, Lucas, etc— pour qu’Hollywood découvre l’importance d’accorder une certaine sensibilité à des cinéastes porteurs d’une vision… qui s’avère aussi, par chance, commercialement profitable.

Jupiter : Le Destin de l'univers, de Lana et Lilly Wachowski (Warner)

Jupiter : Le Destin de l’univers, de Lana et Lilly Wachowski (Warner)

Warner Bros reste confiant sur son potentiel d’attractivité

Toujours selon THR, Warner et Emmerich semblent confiants sur le fait de pouvoir garder le contrôle du final cut tout en embauchant des réalisateurs de premier plan. Il sera intéressant de voir, dans cette logique, si le réalisateur Matt Reeves est confirmé à la direction de The Batman, lui qui s’est montré plus que décidé à conserver le final cut de ses films, comme cela a pu être le cas sur ses deux Planète des Singes.

L’avenir nous dira si cette stratégie s’imposera au sein du studio. Et sans doute plus que prévu : ses dirigeants se réunissent aujourd’hui au Montage Laguna Beach.


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