Les études sur les pratiques culturelles des internautes ne manquent pas. Avec l'essor du téléchargement illicite, de nombreuses recherches ont été menées pour essayer de déterminer si ce phénomène est au final bénéfique pour la filière culturelle, en favorisant la découverte de nouveaux artistes, de nouvelles oeuvres, ou s'il conduit tout droit le secteur au cimetière, en considérant chaque piratage comme une perte.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les travaux réalisés par The American Assembly, un organisme national non partisan spécialisé dans les affaires publiques et rattaché à l'université de Columbia. Conduite aux États-Unis et en Allemagne, cette enquête souligne que ceux qui partagent illicitement de la musique sur les réseaux P2P sont aussi ceux qui se révèlent être les plus dépensiers dans le champ de l'offre légale.
Le décalage est particulièrement prononcé entre les deux attitudes. Selon l'étude, l'écart d'investissement dans la musique achetée légalement est de 30 % entre les adeptes des échanges en ligne et ceux ne fréquentant pas ces espaces. Ces derniers disposent en outre d'une bibliothèque musicale plus réduite. Une différence de taille atteignant de 37 % dans le cas des internautes américains.
Rien de bien surprenant : le client qui souhaite acquérir de nouveaux albums ou singles doit dépenser de l'argent pour enrichir sa collection, ce qui modère la vitesse à laquelle celle-ci croît. L'internaute fréquentant les réseaux P2P n'a pas un tel frein : sa seule préoccupation est d'avoir suffisamment de pairs pour obtenir le fichier en entier et le plus rapidement possible.
Qu'en conclure ? Que la situation est loin d'être manichéenne. Les internautes ont un comportement hybride, mêlant à la fois des téléchargements illicites sur les réseaux P2P et des achats depuis les plates-formes légales. Que l'argent qui n'est pas dépensé pour une œuvre n'est pas nécessairement perdu pour l'industrie du divertissement, puisqu'il peut être investi dans une place de concert de l'artiste qui a été piraté.
Les graphiques de l'étude montrent néanmoins une tendance : plus les sujets sont jeunes, plus le téléchargement illicite est marqué. Aux USA par exemple 48 % des contenus sont achetés légalement par les 18 – 29 ans. Dans les classes d'âge supérieures, les achats dans l'offre légale sont majoritaires : 56 % pour les 30 – 49 ans, 54 % pour les 50 – 64 ans et 63 % pour les 65 ans et plus.
Est-ce à dire que les jeunes sont moins scrupuleux vis-à-vis du droit d'auteur ? Certains le pensent. D'autres au contraire rappellent que le pouvoir d'achat des plus jeunes est souvent moindre et qu'en conséquence, ils limitent certaines dépensent qu'ils pourraient faire dans l'offre légale s'ils étaient plus âgés. D'autant que de nombreux autres secteurs culturels sollicitent fortement le porte-monnaie. À commencer par les jeux vidéo.
À cet égard, l'étude commandée par Hadopi sur les pratiques culturelles des jeunes générations nées avec Internet n'est pas dénuée d'intérêt. Comme nous l'écrivions, cette enquête aura son importance si elle permet de comprendre le rapport des jeunes publics au droit d'auteur. Internet a en effet profondément modifié la façon dont le droit d'auteur s'applique.
Pour la première fois en effet, la loi s'applique à l'encontre des consommateurs et non pas seulement des professionnels qui reproduisent et exploitent les oeuvres. Dès lors, la question de la légitimité du droit d'auteur sous sa forme actuelle et de son déséquilibre à l'heure de la révolution numérique se pose plus que jamais.
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