Où s'arrête la critique ? Où commence la médisance ? Dans l'affaire qui a opposé une blogueuse à une gérante de restaurant, le tribunal de grande instance de Bordeaux a considéré que l'article pointant la désorganisation du service, le manque de professionnalisme des équipes et l'attitude de la patronne relevait davantage du dénigrement que de l'opinion constructive, même sévère.
Le site Arrêts sur Images rapporte en effet que l'internaute L'Irrégulière officiant sur Les Chroniques Culturelles a été condamnée en première instance le 30 juin dernier à 1500 euros à titre de provision sur dommages et intérêts et 1000 euros de frais de procédure pour avoir dit le fond de sa pensée quant à ses impressions sur un restaurant du Cap Ferret.
Visibilité dans Google
Le billet que la blogueuse a écrit à la suite de son expérience malheureuse était-il à ce point malveillant ? Pour la gérante, cela ne fait aucun doute. Le papier "relevait plus de l'insulte que de la critique", a-t-elle affirmé dans les colonnes de nos confrères. "Elle écrit un article où elle qualifie une de mes serveuses de harpie. Je ne peux pas laisser passer ça".
Mais plus encore que la critique elle-même, c'est surtout sa visibilité dans Google qui a réellement posé problème à la propriétaire du restaurant, dans la mesure où l'article était perçu comme une menace pour ses affaires.
"Cet article montait dans les résultats Google et faisait de plus en plus de tort à mon commerce, alors qu'on bosse sept jours sur sept depuis quinze ans, je ne pouvais pas l'accepter", a-t-elle indiqué, reconnaissant qu'un service en plein été peut entraîner des erreurs, mais que la critique doit se faire "dans le respect". Respect qui aurait donc manqué à la blogueuse.
Pas d'avocat pour se défendre
Il apparaît toutefois que la condamnation de L'Irrégulière doit s'analyser aussi dans la manière dont elle a organisé sa défense au tribunal. Celle-ci s'est représentée elle-même, au risque de ne pas être en mesure de citer les bons articles de code pour plaider sa cause ni d'avoir le talent théâtral que les avocats déploient parfois pour emporter l'adhésion.
Selon la blogueuse, la plainte en référé ne lui a pas permis de réagir avec sérénité. "Ils ne m'ont même pas demandé de supprimer l'article ou de modifier le titre avant de m'attaquer en référé. J'ai donc été complètement prise de cours et j'ai choisi de ne pas prendre d'avocat pour des raisons pratiques, je n'avais même pas le temps d'en trouver un !", a-t-elle expliqué à ASI.
C'est peut-être là le tournant de l'affaire. N'ayant pas un professionnel du droit à ses côtés, la blogueuse était une proie facile pour le camp d'en face. C'est d'ailleurs ce qu'il ne faut pas faire. Comme le rappelle l'avocat Maître Eolas sur son blog, "si vous vous sentez dépassé, faites appel à un avocat". En plus de libérer du stress, l'affaire sera toujours entre de meilleures mains plutôt que dans les vôtres.
L'affaire n'ira pas en appel, la blogueuse préférant arrêter les frais. L'article a depuis été retiré du site (seul le titre devait être modifié, pourtant) mais il est encore accessible dans certains caches.
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