Faut-il donner aux internautes le droit d’effacer toute trace les concernant, au prétexte d’un « droit à l’oubli » qui se heurte, en réalité, au droit de mémoire et à la liberté d’expression ? Est-ce même pertinent ? L’AFDEL a répondu à la CNIL sur ce sujet, et développe une série d’arguments convaincants pour inviter à la plus grande prudence dans l’instauration d’un droit à l’oubli numérique.

L’AFDEL (Association française des éditeurs de logiciels et solutions internet), qui réunit notamment Microsoft France et Google parmi plus de 300 membres, a rendu public son avis sur la consultation de la CNIL concernant le droit à l’oubli, qui vise à faciliter la suppression ou la dissimulation d’informations nominatives sur Internet. Résolument opposée au projet, même si elle reconnaît la nécessité d’étendre l’actuel droit d’opposition, l’AFDEL livre une série d’arguments très pertinents pour combattre le projet porté par la Commission Européenne, et relayé en France par la CNIL.

Extraits choisis :

Un droit à l’oubli général pourrait en effet résulter en une forme de censure d’Internet, qui mettrait en cause le modèle libre et ouvert sur lequel s’est construit ce dernier. (…)

Selon Denis Peschanski, historien, « Si on se met à décider de la destruction des données personnelles, on se condamne à devenir des sociétés sans mémoire, sans Histoire. » (…)

Il serait contreproductif de donner à l’internaute le sentiment d’évoluer dans un environnement autorisant quasiment sans condition l’oubli, libérant dès lors tous les comportements, même les plus irresponsables. Comme l’écrit le psychanalyste Serge Tisseron, « Le droit à l’oubli pourrait alors rapidement encourager l’oubli du droit, et notamment du droit à l’image : tout pourrait être tenté parce que tout pourrait être effacé ». (…)

L’AFDEL apporte par ailleurs des réponses constructives aux propositions de la CNIL. Par exemple, cette dernière demande aux professionnels ce qu’ils penseraient de l’obligation de supprimer automatiquement un compte de réseau social devenu inactif, après une période imposée par la loi. Mais « la seule chose qui importe, c’est que ce dernier (l’utilisateur, ndlr) puisse supprimer sa page s’il souhaite le faire« , ou qu’il « décide à l’ouverture de son compte d’une date de « péremption » de la page« , répond l’AFDEL. « Mieux vaut donc éduquer l’internaute et faire toute la transparence sur les procédures, plus que de le déresponsabiliser« .

De même, lorsque la CNIL évoque la possibilité pour les internautes de s’adresser directement aux hébergeurs pour faire supprimer des données personnelles, lorsque les éditeurs sont injoignables, l’AFDEL demande surtout « que les sanctions pénales existantes soient effectivement appliquées » contre ces derniers. La possibilité technique de censure ne doit pas être un substitut au recours à la justice.

Aussi, sur les propositions de la CNIL aboutissant à limiter la liberté de la presse au nom du droit à l’oubli (anonymisation des personnes citées, désindexation des articles, mise sous archives payantes des articles plus anciens), l’AFDEL se montre résolument opposée. « Les pistes évoquées par la CNIL nous semblent de nature à porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse et à la liberté de l’information et plus largement au modèle Internet« , prévient l’association. « La désindexation reviendrait à donner au moteur de recherche le pouvoir d’« éteindre la lumière » sur internet« .

(illustration : CC Sharyn Morrow)

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