Un article publié dans Le Point a déclenché une vague de protestations sur les réseaux sociaux. Dédié aux jeux vidéo, il tient pour acquis leur influence dans la naissance et le déclenchement des comportements violents. Et de justifier cette posture en rappelant que Breivik et Merah jouaient aussi aux jeux vidéo. Quitte à omettre tous les autres facteurs potentiels.

Nous pensions que tout avait été écrit sur les jeux vidéo et la violence. Nous nous trompions. La rencontre du jeu vidéo et des faits divers continue d'engendrer des articles dont la vacuité le dispute à l'ignorance. Le papier signé Claire Gallois dans Le Point en est l'illustration. Pour la romancière, l'affaire est entendue : les jeux vidéo sont "un passe-temps qui peut se révéler mortel".

À l'appui de sa démonstration, elle convoque à la barre Mohammed Merah et Anders Behring Breivik. Ne se sont-ils pas déclarés comme des fans de jeux vidéo ? N'ont-ils pas démontré leur penchant pour les jeux de guerre, les FPS, les MMORPG ? Que dire, finalement, d'un comportement où l'individu passe des heures, des nuits entières devant un écran, à tuer virtuellement ?

Bien sûr, jamais Claire Gallois ne relève que Breivik s'est justement servi des jeux vidéo pour masquer ses propres desseins… C'est notamment la mauvaise réputation des jeux vidéo qui lui a permis de progresser dans son entreprise pour éviter d'une part les soupçons des proches et pour dégager du temps d'autre part pour mettre en œuvre son plan.

Non, bien sûr, l'endoctrinement n'a rien à voir. Ce sont les jeux vidéo, rien que les jeux vidéo, uniquement les jeux vidéo. Les difficultés personnelles de Mohammed Merah, la délinquance, sa rencontre avec l'islamisme radical ne rentrent visiblement pas en ligne de compte, pas plus que l'endoctrinement politique et religieux de Breivik. "jouer, c'est tuer", nous explique Claire Gallois, dans un parallèle hasardeux avec James Bond.

"Jouer, c'est tuer"

Plus loin, la romancière se moque des arguments des "gentils papas" et des "gentilles mamans" qui rappellent, à juste titre, que tous ceux qui jouent aux jeux vidéo ne sont pas des assassins en puissance. Et que les parents sont aussi là pour encadrer cette activité, quitte à rappeler des évidences. Sans succès.

"On a beau colorer le sang en vert, il y a une répétition de la destruction délibérée qui maintient le joueur dans une fascination parfois sans borne", affirme-t-elle. Et d'ajouter que "de l'avis unanime des psys et des éducateurs, la plupart des enfants qui abusent de leur console sont plus agressifs et renfermés que les autres". Mais corrélation n'est pas causalité.

Ce n'est pas parce qu'ils ont joué aux jeux vidéo qu'ils sont devenus des tueurs. Par ailleurs, contrairement à l'affirmation de Claire Gallois tous les psys ne partagent pas le même avis sur la question de l'influence du jeu vidéo sur la violence. Car les études sur le sujet sont variées et contradictoires. Ainsi, les recherches du psychanalyste Yann Leroux tendent à aller à l'encontre des préjugés véhiculés par la romancière.

"Il n’y a pas de preuve évidente indiquant que les jeux vidéo augmentent la violence. Les études sur les effets des jeux vidéo violent montrent des liens faibles et contradictoires. Beaucoup d’études sont limitées du fait d’une méthodologie faible, et certains chercheurs semblent aimer mettre en avant des effets négatifs, en mettant souvent de coté les données inconsistantes de leurs propres études", écrit pour sa part un autre spécialiste.

La réflexion existe, le consensus non

Certes, s'interroger sur l'effet des jeux vidéo est tout à fait normal. C'est même assez sain, car c'est savoir faire preuve de recul par rapport à une passion. Il est en revanche beaucoup plus critiquable de tenir pour acquis l'existence de liens entre les jeux vidéo et la violence. "Il n’y a pas d’effet absolu et universel des pratiques vidéoludiques ou d’internet et de la violence qu’ils peuvent contenir".

"Chacun, en fonction de son histoire, du contexte relationnel et familial dans lequel il vit , des règles et des limites qu’il a reçues et intégrées, de ses capacités à mettre en mots etc. en fera quelque chose de singulier, destiné à évoluer avec le temps. Comme pour les « passion compulsives », ce qui va aider les uns va desservir les autres", ajoute le psychologue, psychothérapeute et chercheur à l'Institut Wallon pour la Santé Mentale (IWSM) Pascal Minotte.

Nous sommes, en réalité, loin de "l'avis unanime" évoqué par Claire Gallois. Unanimes sont en revanche les critiques contre son texte. Sur Twitter et les autres réseaux sociaux, sur les forums et les blogs, sous l'article même du Point, les commentaires s'en prennent vivement à l'opinion de la romancière. Sa page Wikipédia n'a ailleurs pas été épargnée et a dû être semi-protégée.

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