Laurent Jerinte, un expert des nouveaux médias en Pologne, raconte sur son blog que la filiale polonaise de l’opérateur allemand T-Mobile a annoncé son intention de « bloquer automatiquement les publicités intempestives de certains sites web« . Cette violation sans précédent de la neutralité des réseaux serait justifiée selon l’opérateur par la nécessité d’alléger la bande passante utilisée par les sites web visités par ses clients.
« L’opérateur vient donc de développer une application baptisée » SSI ( » Szczupà…€y i sprawny Internet « ) qui est censée filtrer le trafic et les paquets de données pour éliminer les réclames et réaliser ainsi des économies de bande passante de l’ordre de 20%, selon T-Mobile« , raconte Laurent Jerinte. « Pour l’heure, l’application est testée par une centaine d’abonnés avant d’être généralisée à l’ensemble des abonnés polonais (environ 1 million) en cas de succès« .
Evidemment, on imagine que la plupart des abonnés qui visitent des sites depuis leur mobile seront ravis de cette initiative, qui supprime la publicité sans effacer l’information à laquelle ils veulent accéder. C’est « tout benef », comme dirait l’autre. Mais c’est avoir une courte vue sur l’écosystème de l’économie numérique. Les éditeurs qui fournissent de l’information sur Internet ont besoin des publicités pour survivre, ou devront passer sous un modèle payant. Selon le blogueur, certains éditeurs auraient même pensé à instaurer un « droit de péage » compensatoire pour les abonnés T-Mobile, qui seraient bloqués si l’opérateur refuse. Ce qui ne peut pas être une bonne solution.
Les opérateurs doivent délivrer les pages telles que les ont conçues les éditeurs, sans choisir ce qui est ou non intéressant pour les abonnés, et donc sans les modifier. Si le « surplus » de 20 % de bande passante généré par les publicités engorge les serveurs, il faut soit augmenter la capacité du réseau (et éventuellement augmenter le prix des forfaits si ça n’est pas rentable autrement), soit limiter les forfaits comme l’ont fait en France les opérateurs qui brident l’internet mobile après un certain volume mensuel consommé.
« Quoiqu’il en soit, conclut Laurent Jerinte, on peut raisonnablement douter que la filiale de Deutsche Telekom aille au bout de son idée même si le projet » SSI » a au moins le mérite de poser la question de la participation des éditeurs de contenu aux coûts de maintenance des réseaux télécoms« . Mais ça n’est absolument pas aux éditeurs de participer à la maintenance des réseaux télécoms, sauf à travers le prix qu’ils payent à leurs hébergeurs. Le prix d’acheminement du trafic doit être payé par l’abonné, ou c’est tout le modèle économique d’internet qui est remis en question, avec la fin assurée de la neutralité des réseaux
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