De tous les articles rédigés par le gouvernement dans le cadre de sa transposition du Paquet Télécom (voir également notre analyse du volet « neutralité du net »), l’article 34 est sans doute celui qui fera le plus polémique, même s’il est là davantage pour le symbole que pour ses effets.
Il impose en effet aux fournisseurs d’accès à internet de mettre « à la disposition des consommateurs (…) les informations suivantes » :
- les conséquences juridiques de l’utilisation des services de communications électroniques pour se livrer à des activités illicites ou diffuser des contenus préjudiciables, en particulier lorsqu’ils peuvent porter atteinte au respect des droits et des libertés d’autrui, y compris les atteintes aux droits d’auteur et aux droits voisins ;
- les moyens de protection contre les risques d’atteinte à la sécurité individuelle, à la vie privée et aux données à caractère personnel lors de l’utilisation des services de communications électroniques.
Il est donc demandé aux FAI, qui avaient déjà entre autres l’obligation d’avertir du fait que « le piratage nuit à la création artistique » (sic), d’amplifier leur information sur les risques que prennent leurs abonnés à être dans l’illégalité. Ou même pas dans l’illégalité, d’ailleurs, puisqu’il est plus largement question de « contenus préjudiciables », ce qui veut tout et rien dire. « Bon courage aux FAI« , résumait sur Twitter Benoît Tabaka, le directeur des affaires juridiques de Priceminister et co-président de l’Association des services internet communautaires (ASIC).
Il rappelle aussi que le Conseil National du Numérique « avait demandé d’éviter une surenchère sur le sujet « Lutte contre le piratage »« , ce qui n’a pas été entendu par le gouvernement. En effet, l’avis du CNN daté du 23 mai 2011, que le gouvernement avait lui-même sollicité pour lancer le Conseil, prévenait qu’il « semble que cette obligation d’information n’est pas pertinente et bien au contraire peut laisser une image négative de l’usage d’internet. Il convient également de ne pas procéder à une surenchère en matière de propriété intellectuelle dès lors que des obligations similaires existent déjà« .
Plus largement, le CNN avait critiqué les nombreuses ambiguïtés du texte, et dénoncé une information sur les risques « particulièrement anxyogène pour le consommateur (qui) n’est pas en faveur d’une promotion du développement du numérique« .
Mais loin d’écouter ces réticences, le gouvernement n’a même pas cité l’avis du Conseil National du Numérique dans ses visas ! Il a bien « vu » les avis de l’Arcep, du CSA et de la CNIL, mais pas celui du CNN, qui est zappé. C’est dire l’importance que le gouvernement lui donne, quelques mois seulement après sa création. De là à penser que le gouvernement est fâché d’avoir déjà essuyé deux avis très critiques, l’un sur la taxe Google, l’autre sur le décret relatif au filtrage… il n’y a qu’un pas. Le Conseil National du Numérique, qui court toujours après les crédits qui lui permettraient ne serait-ce que de monter son site internet officiel, devrait « apprécier ».
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