Le directeur des éditions Stock, qui avait plaidé pour un « lieu unique » de vente des livres qui ne soit pas internet, explique désormais qu’il ne veut pas interdire la vente de livres en ligne. Mais qu’il est « terrorisé » par le spectre de la gratuité.

La semaine dernière, le patron des éditions Stock, Jean-Marc Roberts, semblait proposer sur Europe 1 l’interdiction de vendre des livres sur Internet. Après la loi sur le prix unique du livre, l’éditeur expliquait en effet qu’aujourd’hui « il faut se battre pour le lieu unique » et que « le lieu unique c’est la librairie, c’est pas la vente en ligne« .

Sauf que nous n’avions rien compris, si l’on en croit la leçon de français donnée à la Radio Suisse Romande par Jean-Marc Roberts. « Je ne sais pas du côté suisse, mais les Français connaissent mal leur vocabulaire« , s’est-il agacé. « Un lieu unique, c’est un lieu singulier, à nul autre pareil, qui ne ressemble à rien et qui est différent… dans l’hypothèse « lieu unique », moi j’en suis resté à la formule « il est interdit d’interdire », je ne veux rien interdire, je suis contre toute censure« , tente-t-il ensuite de justifier.

Il s’en prend aux citadins (« parce que à eux que j’en veux le plus« ) qui, « par paresse, par commodité, par addiction aussi à leur écran« , laissent mourir les libraires de quartier.

« Je ne suis pas con, on a perdu, c’est foutu ».

Finalement ça n’est pas tant la mort des libraires qui l’énerve que le fait qu’internet rend la littérature accessible gratuitement au plus grand nombre, par le piratage, l’accès numérisé au domaine public, ou le développement des licences libres. « L’étape suivante qui me terrifie, c’est la gratuité« , reconnaît-il. « Personne ne le dit aussi ouvertement. Tout le monde sait pirater de la musique, maintenant tout le monde sait faire pour le cinéma, tout le monde a son petit effet streaming et voit les films le premier jour de leur sortie en salle et même avant parfois ils peuvent voir leur film sur leur ordinateur… Bientôt, très très bientôt (ils sauront le faire pour les livres), – déjà Amélie Nothomb paraît-il ses trois derniers livres sont gratuits et disponibles sur la toile -, moi je trouve ça terrible, parce que comment vont vivre les auteurs ? Je ne parle mêmes pas des éditeurs, je parle des auteurs« .

Le député suisse Philippe Nantermod, qui est contre une loi sur le prix unique du livre en Suisse, lui répond alors que la meilleure manière de faire est de ne pas commettre la même erreur que dans la musique ou le cinéma, et de proposer d’emblée une offre de livres plus attractive que le piratage. Un argument qui semble faire mouche et désespérer l’éditeur.

« Moi j’ai 57 ans, ça fait 38 ans que je suis là dedans… un jour je vais partir jouer à la pétanque. Vous savez, le plus important c’est que certains auteurs et certains éditeurs dont je me réclame ne peuvent pas changer leur façon de travailler (…) De toute façon, on a perdu. Faut pas se raconter d’histoire, je ne suis pas con, on a perdu, c’est foutu, c’est fini. Alors l’étape suivante, oui, elle se fera certainement sans moi« .

Mais pas sans la littérature, qui continuera bel et bien de vivre. Y compris gratuitemennt, ce qui ne sera pas un drame pour les milliers d’auteurs qui publient chaque année pour le simple plaisir de l’écriture.

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